SATAN - Earth infernal
Style : Heavy Metal
Support :
MP3
- Année : 2022
Provenance du disque : Reçu du label
10titre(s) - 47minute(s)
Site(s) Internet :
SATAN FACEBOOK SATAN WEBSITE
Label(s) :
Metal Blade
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(18/20)
Date de publication : 07/04/2022
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Satan t'accule
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Autant le confesser d’entrée de jeu : j’aime SATAN depuis leur premier album, Court In The Act (1983) et, s’agissant de livrer un avis sur le sixième album, Earth Infernal, je revendique manquer d’objectivité. C’est ainsi. Que voulez-vous, ce groupe n’a certes jamais délivré de classiques, qu’il s’agisse d’albums ou de compositions, mais il possède une manière extrêmement attachante et particulière de pratiquer ce bon vieux Heavy Metal européen, tel qu’il se réinventa à la toute fin des années 70 et au début de la décennie suivante.
Encore et toujours, les cinq membres de SATAN écrivent et pratiquent un Heavy Metal aux structures classiques, tout juste agrémenté suffisamment de breaks, de changements de rythmes et de tempos pour éviter toute linéarité. Ici, les riffs sont tendus, secs, tranchants et, surtout, les deux guitaristes Russ TIPPINS (ex-BLIND FURY, PARIAH et TYSONDOG) et Steve RAMSEY (SKYCLAD, ancien de BLIND FURY et PARIAH) délivrent des plans gémellaires porteurs d’harmonies ciselées, sans compter qu’ils croisent le fer pour des solos concis, intenses et construits. Ces deux-là constituent l’essentiel de la marque de fabrique du combo. Même si les fans de JUDAS PRIEST et d’IRON MAIDEN trouveront forcément leur compte dans cette débauche d’attaques en double, il faut souligner que les deux complices ont développé un style distinctif qui leur est propre.
Dans ses œuvres à la fois fines et coupantes, le tandem guitaristique se trouve soutenu au plus près par un tandem rythmique tout en sécheresse et en mobilité, avec les lignes de basse claquantes de Graeme ENGLISH (SKYCLAD, lui aussi passé par BLIND FURY et PARIAH) et le jeu sévère et pétaradant de Sean TAYLOR (ex-BLIND FURY, PARIAH, RAVEN et BLITZKRIEG). Adepte des changements brusques, SATAN voit sa section rythmique moduler son intensité, se montrant intraitable dans les parties rapides, mais sachant se faire plus souple, plus subtil dans les passages plus tempérés. Il faut dire que si SATAN affectionne des tempos assez appuyés, il se montre tout aussi à l’aise dans le mid-tempo.
Reste à évoquer l’autre marqueur essentiel du son propre à SATAN : le chanteur Brian ROSS. A 68 ans, le bonhomme délivre des performances aussi solides, et même mieux maîtrisées, qu’en 1983 ! Dans son cas, il ne saurait être question de vocaux extrêmes, pas plus que de vocalises acrobatiques ; notre homme se contente de moduler à la perfection son timbre médium (de temps à autre, il ose de brusques montées aigües), dans un registre clair et riche en intonations émotionnellement chargées. Sa prestation équilibre à merveille l’investissement passionnel et la maîtrise, gage d’efficacité.
Alors certes, le style du groupe peut paraître anachronique en 2022. Mais à ceci, j’objecterai que, à l’heure où des centaines de groupes tentent de reproduire à l’identique le Heavy Metal des années 80, les vétérans de SATAN assurent avec un aplomb dû à l’expérience, et un véritable facteur de différenciation dans la qualité des compositions. Car si le style de SATAN est frappé du sceau du classicisme, il ne vire jamais au traditionalisme, le groupe se réservant le droit de placer des breaks a priori incongrus, toujours pertinents a posteriori. Prenons un exemple particulièrement frappant avec le morceau Poison Elegy qui se présente au début comme un mid-tempo assez appuyé. A 1’25, sans crier gare, une décélération s’impose en mode saccadé pour amener le refrain, mais trente secondes plus tard, on repart de l’avant pour déboucher sur presqu’une minute d’échanges de solos brefs et incendiaires, le chant ne revenant qu’à la troisième minute, avant que le schéma précédemment décrit ne se reproduise. Surprenant mais au final passionnant.
Croyant décocher la flèche du Parthe, les détracteurs pointeront du doigt la permanence depuis les années 80 d’un son sec et relativement dépouillé, avec notamment un rendu de caisse claire et de cymbales sans apprêt aucun. Je conviens tout à fait que ce manque de fréquences basses peut dérouter l’auditeur désormais habitué à des productions massives, occupant l’ensemble du spectre sonore. Mais le dit auditeur peut se contenter d’écouter du Power Metal allemand survitaminé. Ou bien il peut faire l’effort de découvrir combien des productions et des mixages plus aérés ont le mérite de davantage respecter les variations dynamiques. Et, de toute façon, SATAN ne s’en cache pas : c’est un groupe des années 80, dans le style, dans l’interprétation et dans la mise en forme, avec cependant l’envie encore vivace de faire vivre cette formule à un niveau d’exigence digne d’éloges. Aimer SATAN en 2022, ce n’est pas faire preuve d’une incorrigible nostalgie, mais bien au contraire reconnaître la singularité d’un groupe qui alimente la tradition, tout autant qu’il s’en sert pour se forger son propre destin.
Vidéo de Burning Portrait : cliquez ici
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