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Un album renversant, mélodique, technique, atmosphérique et parfois progressif, sombre et lumineux...
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Décidément, les représentants finlandais du power metal mélodique font des émules un peu partout dans le monde. Après les ukrainiens de SUNRISE, les japonais de BALFLARE, les brésiliens de TRAUMER, je peux également ajouter à cette liste peu exhaustive les tchèques d’EAGLEHEART, dont le nom du groupe évoque l’un des singles les plus populaires de STRATOVARIUS, même si Elements Part 1 sur lequel il figure ne l’était pas autant en raison du relativement faible engouement des fans pour cet album pourtant excellent selon moi, bien entendu pas autant que ses prédécesseurs mais possédant en lui bon nombre de qualités et une certaine fraîcheur qui méritent d’être soulignés.
Avant de m’engouffrer dans les détails du troisième opus des Moraves, il est nécessaire de vous faire un bref récapitulatif historique. Le quintet se forme en 2003, soit peu après la sortie des Elements Part 1 et 2 de la troupe, à l’époque, du sieur TOLKKI. D’où son patronyme, comme je l’expliquais ci-dessus. Mais, ce n’est qu’en 2005 qu’il sort son premier EP, Black Sun. Trois années plus tard, la formation slave s’enorgueillit de son premier album, Moment Of Life, dont la pochette est assez inhabituelle dans le style pratiqué, puisque de prime abord elle pourrait faire penser à celle d’un combo de heavy, de thrash ou de gothic. Trois autres printemps de plus sont nécessaires aux natifs de Brno pour accoucher de leur meilleure réalisation jusqu’alors, Dreamtherapy, qui permet aux musiciens de se détacher assez concrètement de leurs influences scandinaves et de signer sur le label milanais Scarlet Records, également distributeur de son dernier-né, Reverse, véritable concentré d’énergie, de puissance et d’emphase qui va, à coup sûr, les amener encore plus loin sur le chemin du succès.
Thématiquement, Reverse est à l’opposé de ses deux aînés. Si Moment Of Life abordait le cycle de la Vie et de la Mort, Dreamtherapy l’intériorisation nécessaire de Soi pour mieux se comprendre, Reverse, quant à lui, se penche désormais sur l’extériorisation de ses sentiments et pensées, vitale à un individu pour prouver son existence dans le monde qui l’entoure. D’ailleurs, le groupe a volontairement choisi de parsemer l’artwork de Reverse, superbe réalisation de Hans TRASID de Disc-Art Design, de références à ses deux opus antérieurs (le crâne et le fœtus de Moment Of Life, les dès et le damier de Dreamtherapy dans deux sabliers cernant l’homme privé de peau, yeux fermés à la manière d’une personne qui se remémore le passé pour mieux comprendre son présent), comme pour affirmer cette continuité temporelle de ces concepts complémentaires.
Musicalement, EAGLEHEART ne dévie pas d’un iota de la trajectoire qu’il s’est fixé naguère. Toutefois, la formation a su se renouveler et se bonifier pour nous présenter douze titres, dont un bonus track, d’une extraordinaire intensité et d’une hallucinante qualité. Ces six années séparant Dreamtherapy de Reverse auront été salutaires pour faire de ce dernier enregistrement une rondelle capable de porter le quintet parmi les ténors européens du genre, étant donné sa production dynamique, ronde et d’une grande pureté, une nouvelle fois l’œuvre du virtuose Roland GRAPOW (MASTERPLAN, KREYSON, ex-HELLOWEEN), et d’un mixage bien proportionné par Zdeněk Ondráček. Outre l’aspect technique, qui participe grandement à la réussite de Reverse, c’est surtout le talent des ménestrels qu’il faut saluer. Les six-cordistes Michal "Mike" KŮS (KREYSON) et Michal JANKULIAK (HARMONIUM) sont juste terribles dans les mélodies et les attaques, tandis que Vojta "Kai" ŠIMONÍK (bassiste de session chez SAGITTARI et ANDRAGONA) et Filip SMETANA (ASCENDANCY, ASGARD, FLOWERWHILE, HEFAISTOVA LYRA) soutiennent efficacement l’ensemble rythmiquement, pendant que Roman SÁCEK (ex-STAROSTOVI MUŽÍ) survole le tout d’une voix étonnamment fluide et vigoureuse qui exprime à merveille ce que le combo a souhaité formuler dans ses textes profondément intimes.
Les lignes de claviers parent chacun des titres d’une aura théâtrale, naviguant entre classicisme et futurisme, ce qui élève encore plus les morceaux à un niveau supérieur et finit de séparer la musique du groupe de celle de ses idoles nordistes, même si certains éléments caractéristiques sont encore discrètement présents, à vous de les découvrir. Pour ma part, je n’ai trouvé aucun défaut sur Reverse, tant tout y est parfait. Des compos telles que la heavy Healing The Scars et ses vocaux à la Ralf SCHEEPERS (PRIMAL FEAR), l’aérienne Mind To Decipher ou l’émotionnelle Painting The Shadows By Light sont justes cyclopéennes. Les autres ne sont pas en reste non plus, tant elles donnent la chair de poule, en particulier Fear Is Gone, l’arabisante et SYMPHONY X-iesque Healing The Scars, All I Am, l’éponyme Reverse et la kotipeltienne Endless. Même Palace Of Thoughts, Erased From Existence et Enemy Within n’échappent pas à cette essence souveraine qui règne sur Reverse.
Cette équipe de surdoués a su non seulement s’appuyer sur son expérience déjà bien fournie pour nous offrir la quintessence du power metal mélodique, mais aussi être tellement créative qu’elle peut maintenant se targuer d’avoir atteint un nouveau palier lui permettant de ne plus avoir à rougir face aux superchampions du Vieux Continent que sont, pêle-mêle, KAMELOT, MASTERPLAN, SONATA ARCTICA et consorts, voire même SYMPHONY X pour ce qui est des Etats-Unis. Mieux, elle concurrence désormais directement ces mastodontes spécialistes de la célérité rythmique et de la grandiloquence avec une facilité déconcertante. Il est exceptionnel de voir un groupe tchèque se transcender avec autant d’habileté pour se placer au-dessus du panier. Peu d’est-européens y sont parvenus, même si KREYSON, grâce au travail de Ladislav KŘÍŽEK dans CITRON et sa collaboration avec Roland GRAPOW (et de Mike TERRANA, ex-RAGE et actuel frappeur de fûts de Tarja TURUNEN, THE FERRYMEN, AVALANCH et KREYSON), pourrait très vite rattraper EAGLEHEART dans son ascension de l’Olympe musical, d’autant plus que Michal "Mike" KŮS fait aussi partie de l’aventure KREYSON depuis l’an dernier, aux côtés de Jíři « George » RAIN (CITRON, SEBASTIEN). Reverse est renversant, mélodique, technique, atmosphérique et parfois progressif, sombre et lumineux, tout cela à la fois. Voilà une bien agréable surprise venant d’un petit pays devenu grand, très grand, et une preuve tangible que le génie peut survenir là où ne l’attend pas forcément. Pourvu que la formation vienne rapidement nous rendre une petite visite de par chez nous pour se livrer sans pudeur à nos délicates ouïes mélomanes.
Line-up : • Roman SÁCEK (chant) • Michal "Mike" KŮS (guitares et chant) • Michal JANKULIAK (guitares) • Vojta "Kai" ŠIMONÍK (basse, chant) • Filip SMETANA (batterie)
Equipe technique :
• Roland GRAPOW (production, mastering) • Zdeněk ONDRÁČEK (mixage) • Hans TRASID de Disc-Art Design (artwork)
Studios :
• Grapow Studios • Sonidos Studios
Tracklist :
1) Awakening 2) Until Fear Is Gone 3) Healing The Scars 4) All I Am 5) Palace Of Thoughts 6) Reverse 7) Erased From Existence 8) Mind To Decipher 9) Endless 10) Enemy Within 11) Painting The Shadows By Light 12) Erased (Bonus) (Version alternative)
Durée totale : 54 minutes environs
Discographie :
• Black Sun [EP] (2005) • Moment Of Life (2008) • Dreamtherapy (2011) • Reverse (2017)
Date de sortie :
• Vendredi 18 août 2017
Dreamtherapy (extrait issu du second album du groupe, en attendant le prochain clip vidéo) : cliquez ici
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