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Forrester : dernier feu d'artifice !
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A mon sens, le chanteur américain Rhett FORRESTER aurait dû devenir un des praticiens du micro les plus notables et reconnus en termes de Hard Rock des années 80 (tranchant et mélodie, baby). Cette assertion se base certes principalement sur les deux albums qu’il enregistra pour RIOT. J’inclue dans mon équation personnelle l’album solo Gone With The Wind (1984, promu en France à l’époque par Bernett records, avec un bon relais dans Enfer magazine). Coupant cours à toute romance quant à un artiste maudit, jamais reconnu en son temps (quoique…), la biographie de Rhett FORRESTER se trouva hélas dramatiquement écourtée par un meurtre par balle début 1994…
Pardon pour Rob ROBBINS, acolyte absolument essentiel de ces enregistrements, mais il nous faut commencer par éclairer ce nom à l’affiche, sûrement oublié, sauf de quelques vétérans des années 80. Sur le plan discographique, le chanteur Rhett FORRESTER a imposé son timbre puissant, voilé et médium, dès 1982 sur des enregistrements de RIOT, alors en rupture avec son vocaliste historique Guy SPERANZA, parti sur une note particulièrement haute, avec l’album Fire Down Under (1981), modèle de Hard Rock tranchant, porteur de mélodies impactantes. Sous la férule du maître guitariste et compositeur Mark REALE, RIOT aligna deux albums de fort belle facture, à savoir Restless Breed (1982) et Born In America (1984), sans oublier le EP six titres live Riot Live (1982). A mon humble avis, les deux albums studio méritent une écoute attentive, laquelle ravira les fanas de Hard teigneux, carré mais mélodique, dans la droite lignée du premier segment de carrière de RIOT. La réussite n’étant pas au rendez-vous, Rhett FORRESTER fit les frais de la désagrégation de RIOT (avant que le groupe ne se réinvente en 1988 avec le génial Thundersteel). Le coup fut rude, et le bonhomme se maintint comme il put, publiant un bon album solo (Gone With The Wind, déjà évoqué) et participant notamment sur un titre du projet THRASHER (initié en 1985 par Carl CANEDY, batteur de THE RODS). Hélas, sorti des lumières des premiers, deuxièmes et troisièmes rangs, le chanteur parvint à publier en 1988 un second album solo, Even The Score, sans pour autant connaître le moindre regain de popularité. Après quoi, le vocaliste semble tout simplement disparaître du paysage…
Le fait est que les enregistrements, datant de 1993 dont il est ici question ne relèvent pas de la verve créatrice du chanteur, mais plutôt de deux compères, Rob ROBBINS et Scot GAINES. Avant même d’analyser l’apport de Rhett FORRESTER, attachons-nous au répertoire proposé par les deux co-compositeurs. Absolument impeccable dans la forme et dans le fond, le Hard Rock mélodique développé ici révèle le meilleur d’une certaine scène nord-américaine, rythmiquement accrocheuse et pétaradante, mélodiquement affûtée (ici dans un style SCORPIONS, Y&T, DOKKEN ou RATT). Majoritairement, nous avons droit à des titres carrés, strictement taillés autour de riffs simples et tranchants, déroulés sur un tempo lent ou médium, les rythmiques trapues se chargeant de dynamiser le tout. Cette assise rythmique imparable se trouve parfaitement mise en exergue par des arrangements mélodiques du meilleur tonneau : guitares en son clair, guitares acoustiques, chœurs. Bref, tout le dispositif vise à capter l’attention du public, sans en rien renier les vertus fondamentales du Hard Rock.
Normalement, l’album du groupe Dr. DIRTY aurait dû cartonner. Normalement. Sauf qu’enregistré en 1992 et 1993, l’album ne pouvait aucunement prétendre à rivaliser avec la recette magique de la décennie précédente, à savoir un mélange d’acier ciselé (pour un quart), de mélodies millimétrées (pour un autre quart), de vocaux suggestifs et impérieux (un quart tout pareil) et ce clips vidéos sexistes en diable (un quart hélas, à l’époque où la chaîne MTV faisait la loi !). La recette que je viens de décrire établit une référence directe avec l’album 1987 de WHITESNAKE. Certes, les ambitions commerciales étaient palpables et assumées. Il n’empêche que le projet ne reniait aucunement une approche Hard Rock raisonnable (riffs nets et solos de guitare vifs), assumant également à l’occasion des influences Folk (Love Song) et Blues (l’harmonica ponctuel de Smokin’ Gun). En tout cas, le savoir-faire était bel et bien au rendez-vous.
Concentrons-nous dorénavant sur la prestation de Rhett FORRESTER au chant. Dans le cas présent, le chanteur avait adopté une approche moins directement percutante que chez RIOT, ne manquant pas d’approfondir la modulation mélodique, dans une optique assez proche de ce que proposait SURVIVOR : du punch, mais toujours de l’accroche. Le fait est que le résultat s’avérait probant, systématiquement vibrant et impactant. Rhett FORRESTER empruntait autant à la chaleur Soul d’un Paul RODGERS (FREE, BAD COMPANY) ou d’un David COVERDALE (DEEP PURPLE, WHITESNAKE), qu’à l’approche plus âpre et rauque d’un Steven TYLER (AEROSMITH), avec cette capacité rare à moduler de manière expressive dans un registre médium pas si étendu que cela (Phil MOGG d’UFO fut un modèle dans le genre).
Outre les huit morceaux originellement enregistrés, la présente édition se trouve fort généreusement abondée. D’abord par trop titres inédits. Outre le titre Hard Rock inédit It’s A Little Too Much (dont le riff introductif rappelle furieusement celui de You Give Me All I Need de SCORPIONS) et l’ultra-accrocheur et mélodique Rescue Me, on savoure une version frissonnante d’Amazing Grace (orgue et voix Gospel de FORRESTER). En sus, on découvre cinq versions de travail de morceaux figurant dans la version finale, lesquels permettent de constater la qualité intrinsèque des compositions, proposées en mode plus direct et rugueux, avec néanmoins tous les repères mélodiques et de fortes indications quant aux arrangements finaux.
Il existe certes d’autres témoignages des performances post-RIOT de Rhett FORRESTER, déjà publiés. Libre à chacun.e d’évaluer l’intérêt de cette édition. Il n’empêche que la qualité intrinsèque de cette compilation souligne une fois de plus les vertus vocales de FORRESTER, amplement bonifiées par la qualité des compositions et des arrangements.
Vidéo de Hold On : cliquez ici
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