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30/12/2015
Herscher
HERSCHER
 
Question de dissertation philosophique ou d'exercice de physique : le chaos peut-il être organisé ? Après de nombreuses formations de Rock et de Metal extrêmes, les Français de HERSCHER se proposent d'apporter une réponse, en l’occurrence positive à cette question métaphysique.

Exposons d'abord les ingrédients. Du côté du chaos, vous trouverez des riffs de basse énormes, basiques, tellement abrasifs et grésillants qu'ils forment un mur du son, dont les rares brèches sont comblés par des claviers distillant sournoisement des nappes inquiétantes. C'est non seulement violent mais carrément suffocant, la fonction Drone étant enclenchée à plein. On est en effet largement au-delà de la crasse des marais propre au Sludge. Les rythmiques implacables et effroyablement pesantes relèvent d'un exercice de Doom tellurique, avec un jeu de batterie très sec mais varié. Cependant, au lieu d'évoquer on ne sait quelles lentes et sombres chevauchées, HERSCHER donne l'impression de bouger des montagnes gigantesques et de propulser ces masses considérables dans l'hyper-espace ; à ce titre, la pochette est tout à fait adéquate. Dans leur versant colérique et caverneux, les vocaux versent également du côté du chaos. Lors des passages les plus sombres, il m'est arrivé de songer à ce que CELTIC FROST, et dorénavant TRIPTYKON, proposent.

Pour autant, le trio parvient à dompter les puissances primordiales qu'il convoque. Ainsi, les riffs granitiques et les rythmiques abyssales qui les sous-tendent se développent lentement, bougent imperceptiblement, selon des schémas évolutifs rampants. Le tout avec une parfaite maîtrise quant à la mise en place. Car voilà la clé de la problématique énoncée d'entrée de jeu : on peut très bien posséder un son envahissant, crade, monstrueux et le développer dans le cadre de structures strictes. HERSCHER manie à la fois le sens de la violence maîtrisée (les enseignements de NEUROSIS ont été bien retenus) et un art affirmé de la rythmique belle à force d'être hypnotique (à l'instar de ce qui se produit chez OM).

Dans cet univers foncièrement porté sur le paroxysme, HERSCHER a le bon sens d'introduire des variations plus tranchées et notables que les simples nuances des claviers (un peu perdues dans le mix) : quelques passages de chant clair et grave, presque gothique, quelques plages atmosphériques relativement aérées, l'accélération sur le court Bandana en clôture d'album (là où les autres titres culminent lentement entre six et dix minutes).

En résumé, HERSCHER n'a pas choisi le chemin de la facilité mais il résout l'équation de l'organisation du chaos avec une maîtrise qui confine au brio.
Alain
Date de publication : mercredi 30 décembre 2015