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30/06/2017
Decennium
SEVEN KINGDOMS
 
Cinq années se sont écoulées depuis la sortie du troisième opus de SEVEN KINGDOMS, The Fire Is Mine, avec, entre-temps, l’apparition dans les bacs de l’EP In The Walls le 1er septembre 2016. Et nous voilà enfin récompensé(e)s de notre patience avec un quatrième album de la formation floridienne intitulé Decennium.

Pourquoi ce titre ? Tout simplement parce que le groupe souffle sa 10ème bougie. En effet, c’est en 2007 qu’il voit le jour à DeLand grâce au six-cordiste Camden CRUZ et au chanteur de l’époque, Bryan EDWARDS. Plusieurs changements de line-up plus tard, c’est en 2009 que la vocaliste Sabrina VALENTINE rejoint le combo, comme remplaçante de Bryan, et que le quintet se stabilise enfin. Après trois excellentes galettes ainsi qu’un EP et avoir écumé les routes nord-américaines et européennes, SEVEN KINGDOMS nous gratifie en ce millésime d’un nouveau rejeton discographique qui, je dois l’avouer, est quelque peu en deçà de mes attentes, ce qui est décevant étant donné qu’il s’agit en quelque sorte d’un album anniversaire sensé célébrer ses 10 ans d’existence.

Après le très solide The Fire Is Mine, il me paraissait assez difficile que SEVEN KINGDOMS puisse encore plus se surpasser, mon intuition féminine me disant que la troupe états-unienne avait atteint le maximum de ce qu’il pouvait donner. Et les écoutes multiples de Decennium viennent finalement confirmer mon ressenti. Le groupe se maintient tant bien que mal qualitativement parlant, certaines chansons mettant la barre plus haut, d’autres, a contrario, étant en dessous de leur potentiel éventuel. C’est le cas de Undiyng (dont la trame musicale reprend quasiment note pour note celle de After The Fall), The Tale Of The Deathface Ginny et Neverending, qui abaissent relativement le niveau général. Fort heureusement, le reste est, somme toute, plus ciselé et Decennium persiste majoritairement dans la lignée de ses prédécesseurs.

Cela pour deux raisons bien distinctes l’une de l’autre. Premièrement, la production. Plus claire et dynamique que celle de The Fire Is Mine grâce au savoir-faire des techniciens-son Jim MORRIS et Phil PLUSKOTA, mais surtout de Tyler MCDANIEL et Jacob HANSEN qui se sont chargés du mastering. Deuxièmement, l’expérience des musiciens. Qui leur permet d’éviter, quand ils le peuvent, certains écueils, notamment quant à l’écriture des titres en eux-mêmes. Bien que cela ne soit pas toujours évident, comme en témoignent les morceaux que j’ai cités plus haut. Il arrive souvent que les formations manquent d’inspiration ou, pire encore, se laissent aller à une certaine flemmardise artistique se reposant souvent sur une notoriété déjà acquise. Sauf que la célébrité se travaille constamment pour ne pas tomber dans l’oubli ou engendrer une lassitude persistante auprès de sa fanbase. Ce n’est pas ce qui arrive à SEVEN KINGDOMS. Toutefois, j’ai pu ponctuellement ressentir une baisse de régime non pas rythmique, la vitesse étant quasi-constamment au rendez-vous, mais structurelle, les chansons usant par moments de mélodies presque mimétiques et les soli manquant sérieusement d’aplomb.

Résultat des courses : une absence partielle d’attaques guitaristiques et un chant régulièrement peu puissant. L’impression tenace que Sabrina VALENTINE tire souvent sur ses cordes vocales pour extirper le meilleur d’elle-même, notamment sur les parties heavy et celles qui demandent d’atteindre des notes assez aigues.

Cependant, Decennium est loin d’être une catastrophe. Le plaisir de l’écoute est bel et bien là et un seul des deux premiers singles (Kingslayer) prouve nettement que SEVEN KINGDOMS est de retour et qu’il n’est pas encore advenu le jour où l’on pourrait douter de cette troupe et des capacités artistiques de ses membres.

D’autant plus lorsque le groupe vient de se renouveler autant textuellement (les paroles ne sont plus totalement basées sur la sage du Trône de Fer de George R. R. Martins même si...) qu’au niveau de son imagerie, la pochette réalisée par Dušan MARKOVIČ reflétant cet aspect futuriste de la nouvelle et timide orientation de la formation avec ses deux créatures à « échasses » rappelant fortement les landstriders de Dark Crystal, et les dragons dans les cieux martiens, ceux d’Avatar de James Cameron. Toutefois, le combo retombe rapidement dans ses « travers » et revient vite à ses premières amours fantastico-médiévales, au contraire de ce qu’a pu faire Luca TURILLI avec sa seconde rondelle en solo Prophet Of The Last Eclipse qui fût entièrement dédié à une épopée galactique sans jamais dévier textuellement d’un iota sur une thématique similaire à celle de son debut-album Kings Of The Nordic Twilight.

De ce fait, SEVEN KINGDOMS s’insinue prudemment sur une voie qui pourrait s’avérer glissante pour le groupe en déplaisant à ses fidèles supporters. Malgré tout, il est fort probable que les floridiens s’engagent intégralement dans la modernité sur un prochain disque. Ce qui, pour ma part, me plairait bien, car je considère qu’il est essentiel pour une formation de ne pas tourner en rond conceptuellement. Comme je l’ai écrit à de nombreuses reprises par le passé, l’essence même d’un artiste est l’évolution, le devenir, l’exploration de nouveaux horizons, ceci sans forcément transgresser ses valeurs usuelles. Un peu comme IRON MAIDEN qui, adroitement, a su louvoyer pour atteindre de nouveaux univers musicaux sans se trahir soi-même artistiquement, restant toujours dans un heavy metal traditionnel d’exception. Un tantinet de courage en plus permettrait à SEVEN KINGDOMS de se démarquer de ses confrères power metal sur une scène déjà trop envahie de dragons enragés, de magiciens au chapeau pointu et de chevaliers trop zélés. Dénoncer les temps présents chaotiques ou faire un saut quantique dans le futur serait une aubaine pour les américains étant donné que cela donnerait un second souffle à leur déjà longue carrière. Et cela les amènerait sans doute à s’immerger dans l’étude et l’intégration de nouvelles sonorités inhabituelles pour eux et leurs fans. Decennium commence déjà, certes craintivement, à s’acheminer progressivement dans cette direction. Mais, cela est insuffisant au regard de la concurrence abondante dans leur pays et en Europe.

Cette quatrième offrande représente, donc, un léger tournant dans la vision du groupe de sa propre identité littérale et musicale. SEVEN KINGDOMS ne lâche pas radicalement prise sur ses acquis et c’est là son plus gros défaut. La formation a largement décortiqué le monde de Daenerys Targaryen et de Jon Snow et devrait se tourner vers des sujets plus matures afin de prouver qu’elle n’est plus intéressée uniquement par des thèmes plébiscités par les adolescent(e)s boutonneux(ses) excité(e)s des hormones. Il y a plein de choses à raconter sur la réalité que nous vivons tou(te)s au quotidien ou sur ce que nous expérimenterons dans un proche avenir. C’est sur cela que devrait travailler SEVEN KINGDOMS, même si je peux comprendre son fervent attachement au monde des fées en tutu, des elfes lubriques et des nains têtus comme des mules. Cependant, il faut grandir un peu et ne pas rester coincé(e) dans une enfance déjà lointaine. Voilà mon conseil pour ces ménestrels coincés en l’an mille à la manière d’un Marty McFly en 1955. Cela non seulement les boosterait pour composer de façon à ce que la musique soit plus actuelle mais également à nous conter de nouvelles histoires, plus excitantes dans le sens où elles nous seraient plus inattendues. SEVEN KINGDOMS étendrait ainsi automatiquement son champ des possibles et ne serait pas bloqué objectivement parlant. Le quintet, pour parler stratégiquement, étendrait son offre musicale et se mettrait dans la poche de nouveaux clients qui attendent autre chose de la part d’adultes que des contes remplis de créatures fantastiques et imaginaires. Le métalleux a besoin de se défouler, pas de courir après des trolls des cavernes et des sorciers malfaisants. Et, pour ce faire, les états-uniens doivent impérativement modifier leur lexique limité et se projeter en avant au lieu de rester dans leur zone de confort. Voilà ce qu’ils ont omis d’appliquer sur ce Decennium agréable acoustiquement mais tellement frustrant intellectuellement. Ceci dit, cela ne vous empêche pas d’acquérir ce quatrième enregistrement studio des floridiens, mais à force d’entendre les mêmes sempiternelles ritournelles sur les rois, les reines, les dragons, cela risque bien de vous taper sur les nerfs, y compris si, comme je le suis, vous êtes d’un naturel calme et posé. Enfin, techniquement, SEVEN KINGDOMS s’en sort plutôt bien si l’on oublie les références à Games Of Thrones et que l’on se concentre exclusivement sur la musique, même si, il y a des essoufflements ici et là qui piquent un max. Malgré les erreurs régulières, SEVEN KINGDOMS délivre là un album correct et captable, quand bien même insipide à la longue.

Line-up :

Sabrina VALENTINE (chant)
Camden CRUZ (guitares)
Kevin BYRD (guitares)
Aaron SLUSS (basse)
Keith BYRD (batterie)

Equipe technique :

Jim MORRIS (enregistrement, mixage)
Phil PLUSKOTA (technicien guitares, tracking, mastering)
Tyler MCDANIEL (mastering)
Jacob HANSEN (mastering)
Dušan MARKOVIČ (artwork)
Bryan EDWARDS (paroles des pistes 4 à 6)

Studios :

North Avenue Studios (Floride, USA)

Tracklist :

1) Stargazer
2) Undying
3) In The Walls
4) The Tale Of Deathface Ginny
5) Castles In The Snow
6) Kingslayer
7) The Faceless Hero
8) Neverending
9) Hollow
10) Awakened From Nothing

Durée totale : 50 minutes environs

Discographie :

Brothers Of The Night (2007)
Seven Kingdoms (2009)
The Fire Is Mine (2012)
In The Walls [EP] (2016)
Decennium (2017)

Date de sortie :

Vendredi 5 mai 2017


Kingslayer (Clip vidéo officiel) : cliquez ici

Neverending (Clip vidéo officiel) : cliquez ici

神の知恵
Date de publication : vendredi 30 juin 2017