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30/07/2017
Road to revolution : live at milton keynes
LINKIN PARK
 
En hommage à Chester BENNINGTON, disparu le 20 juillet 2017 à l’âge de 41 ans, nous vous proposons une chronique de l’album Road to Revolution : Live at Milton Keynes de LINKIN PARK.

Incarné au milieu des années 1990 par des groupes tels que KORN ou LIMP BIZKIT, le Neo Metal, que l’on peut décrire comme une fusion de composantes Metal, Hip-Hop et Electro, atteint son apogée au début des années 2000. Un seul album, l’extraordinaire Hybrid Theory (2000), suffit aux Californiens de LINKIN PARK pour devenir la nouvelle figure emblématique du mouvement. Ce disque sera suivi trois ans plus tard de Meteora, qui connaîtra lui aussi un succès considérable. Cette notoriété permet à la formation de créer le festival annuel Projekt Revolution, où elle apparaît en tête d’affiche, et dont l’édition 2008, qui a lieu pendant la tournée promotionnelle de Minutes to Midnight (2007), donnera lieu à l’enregistrement de Road to Revolution : Live at Milton Keynes.

Sur ce live, publié en coffret CD/DVD, le groupe revisite avec bonheur ses premiers classiques, ouvrant les hostilités par One Step Closer et le furieux avertissement de Chester BENNINGTON : « Shut up when I’m talking to you ! ». Les riffs acérés de Brad DELSON (Lying From You) soutiennent le duo que le chanteur principal forme avec Mike SHINODA, au phrasé énergique, teinté de Hip-Hop – un duo illustré en particulier par In the End. Quoique relativement calmes, les couplets de Numb génèrent un sentiment d’angoisse diffuse, tandis que ses refrains exposent la puissance vocale de Chester, qui nous gratifie régulièrement de screams dévastateurs (From the Inside). Ces caractéristiques apparaissent aussi sur certains extraits de Minutes to Midnight, tels que l’efficace Given Up, propulsé par la basse de Dave « Phoenix » FARRELL.

Cependant, ce nouvel opus, auquel près de la moitié de la set-list est consacrée, révèle une évolution du style du sextette vers le Rock alternatif, voire le Classic Rock. On citera ainsi l’un des sommets du show, la très mélancolique ballade The Little Things Give You Away, marquée par la prestation très émouvante du frontman, notamment sur des aigus prodigieux qui interviennent après le solo très intense de Brad - l’inclusion de guitares lead participe en effet du nouveau son du groupe. Dans le même registre, on songe à la délicate Shadow of the Day, que Chester annonce ironiquement par les mots « Everybody here you want to see U2 ? », en réponse à une frange de la critique qui avait estimé ce titre trop proche du standard With or Without You.

Peu avant la fin du concert, JAY-Z, autre artiste participant à la tournée Projekt Revolution 2008, est accueilli sur scène, suscitant l’enthousiasme du public. Ensemble, les musiciens interprètent Numb/Encore et Jigga What/Faint, deux extraits de Collision Course (2004), album mêlant l’univers de LINKIN PARK à celui du célèbre rappeur.

Sur plusieurs plages, la formation propose des arrangements mettant tout particulièrement en valeur la voix de Chester. Ainsi, Pushing Me Away, l’un des hits de Hybrid Theory, est interprété en version piano, les lignes mélodiques du seul Mike accompagnant la performance déchirante du chanteur. On citera également le final de Breaking the Habit, sur lequel il est uniquement soutenu par de légères nappes de synthétiseur. Ce procédé permet de souligner la noirceur du propos :

« I don't know what's worth fighting for
Or why I have to scream
[…]
I don't know how I got this way
I'll never be alright
[…]
I’m breaking the habit tonight »
.

Shadow of the Day (« Sometimes solutions aren’t so simple / « Sometimes goodbye’s the only way ») constitue un autre exemple des textes sombres, désabusés, par lesquels Chester exprime son angoisse, sa lutte contre la dépression dont il souffre depuis l’enfance, victime pendant plusieurs années d’abus sexuels commis par un camarade plus âgé, ou contre la dépendance à l’alcool et aux drogues, qu’il évoque dans Crawling. C’est avec beaucoup de courage et une grande sincérité qu’il dévoile ses tourments, sa vulnérabilité. Nombre des fans de cet immense chanteur ont vu dans sa musique une façon de faire face à leurs propres démons ou aux drames qu’ils ont pu traverser, tout comme lui-même, durant son adolescence, a pu trouver un réconfort en étudiant les disques de STONE TEMPLE PILOTS ou SOUNDGARDEN, dont les leaders respectifs, Scott WEILAND, disparu le 3 décembre 2015, et Chris CORNELL, comptent parmi ses principales influences. On peut aussi penser que la pratique du screaming a représenté pour lui une forme de thérapie.

Si Chester a mené une vie tragique, il a pu réaliser ses rêves d'artiste, succédant à Scott WEILAND au sein de STONE TEMPLE PILOTS de 2013 à 2015 - une expérience qui donnera lieu à un EP énergique, High Rise (2013), publié sous le nom de STONE TEMPLE PILOTS WITH CHESTER BENNINGTON - et se liant d’amitié avec Chris CORNELL. Les deux hommes se retrouveront d’ailleurs sur scène lors de ce Projekt Revolution 2008, Chester interprétant les voix originellement assurées par Eddie VEDDER sur Hunger Strike (TEMPLE OF THE DOG), et Chris, quelques vers de Crawling. Très éprouvé par la disparition de son ami, voix d’une génération, le 18 mai dernier, Chester lui adresse des adieux poignants. Tout d’abord, par une lettre dans laquelle il écrit notamment : « I can’t imagine a world without you in it ». Ensuite, lors du show Jimmy Kimmel Live, lorsque son groupe, venu présenter son nouvel album, en dédie le morceau-titre, One More Light, au défunt. Les paroles de ce morceau bouleversant (« Who cares if one more light goes out ? / Well, I do ») prennent aujourd’hui une nouvelle résonance, plus triste encore, alors que son auteur a tiré sa révérence le jour de l’anniversaire de Chris CORNELL

Breaking The Habit : cliquez ici
Chouman
Date de publication : dimanche 30 juillet 2017