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31/10/2018
Mankind woman
Brant BJORK
 
Vous avez forcément croisé ce genre de types au cours de votre vie. Dès le collège ou le lycée, alors que vous aviez du mal à vous forger une identité ferme et distincte, vous enviiez ce type qui semblait se foutre de tout et évoluer dans un univers parallèle (que vous pressentiez d'autant plus fascinant et déterminant qu'il vous semblait inaccessible et indéfinissable). Systématiquement ciblé par les professeurs, le type en question décrochait la moyenne systématiquement, semblait-t-il sans effort, sans pour autant se classer parmi les premiers de, la classe. Dans le domaine sportif, le type dédaignait les démonstrations de force mais se plaisait à se placer gagnant dans les courses d'endurance. Il plaisait aux filles mais n'aimait pas la vulgarité criante de certaines d'entre elles. Lui-même adoptait une attitude distanciée, du type macho allégée. Il tenait l'alcool mieux que quiconque et fumait bien autre chose que du tabac, là où vous en étiez encore à sniffer de l'éther. Le type n'était ni le plus doué, ni le plus populaire, ni le plus athlétique... il était juste le plus COOL ! L'incarnation de ce type, c'est Brant BJORK. En tant que batteur et compositeur, il participa pleinement à la définition du Stoner Rock au sein de KYUSS, avant de rejoindre un autre combo marquant de ce genre alors bredouillant, FU MANCHU.

Tout à fait apte à s'assumer lui-même, le bonhomme a opté pour une carrière solo à partir de la fin des années 90. En compagnie de différents complices, notre homme, repositionné à la guitare et au chant, a ponctué les deux premières décennies du 21ème siècle d'albums savoureux, pas forcément tous aisément accessibles, mais tous redevables musicalement à la période 1967-1975. Il n'en va pas différemment de ce splendide Mankind Woman qui, à l'instar de son prédécesseur direct Tao Of The Devil (chronique ici : cliquez ici), creuse le sillon fertile d'un Rock certes électrique mais avant tout porté sur le groove et le feeling.

La batterie tissant une assise féline et souple, la basse peut se permettre de développer un son à la fois épais et sensuel ; à ce niveau de complémentarité, on peut sans fausse pudeur risquer une référence au mythique tandem Carmine APPICE-Tim BOGERT qui s'illustra au sein de VANILLA FUDGE, CACTUS, puis de BBA en compagnie de Jeff BECK. Les plans rythmiques ne visent pas à l'épaisseur asphyxiante, mais ils combinent merveilleusement une densité granuleuse et un swing purement sexy.

Sur un tel canevas, seul un crétin fini poserait des riffs de brutes ! Au contraire, Brant BJORK et son complice Bubba DUPREE ne sont ni des bourrins, ni des perdreaux de l'année. Ils se plaisent à combiner riffs tour à tour crépitants et acérés, typiquement tirés du répertoire du Blues Rock et du Boogie Rock de la période citée précédemment. La finesse des solos et leur charge émotive laisse à penser que les compères ont puisé aux meilleures sources, notamment Eric CLAPTON (époque CREAM mais surtout époque 461 Ocean Boulevard et DEREK & THE DOMINOES), Jorma KAUKONEN (JEFFERSON AIRPLANE, HOT TUNA) et Joe WALSH (plutôt époque JAMES GANG que EAGLES).

Exception notable dans cet album plutôt chaleureux, l'ultime composition par ordre d'apparition, Nation Of Indica, soit plus de quatre minutes de colère lente et lourde, avec vocaux rageurs, lignes de basse métalliques et riffs dignes du meilleur Tony IOMMI. Lâchons le nom : Brant et ses complices parviennent avec brio à délocaliser le Heavy Metal primordial de BLACK SABBATH en plein contexte Desert Rock. Cela revient peu ou prou à se délecter d'un Heaven And Hell ou d'un Sign Of The Southern Cross, entrés en collision avec l'univers des DOORS et d'un Jimi HENDRIX post-apocalyptique. Purement génial et jouissif !

En résumé, avec son nom de viking et son look de Latino, Brant BJORK persiste avec raison à vouloir jouir de la vie, via un Rock électrique et primal, quoique tout à fait contemporain. On ne saurait trop le remercier de partager avec nous ses visions et son expériences, exégèse miraculeuse des formules d'antan passées à la moulinette efficace et tranchante des temps modernes.

Pendant ce temps-là, cachant l'énorme somme de travail qu'implique ce résultat purement jouissif, Brant BJORK maintient le cap d'un éternel adolescent qu'on envie, à la fois héritier et initiateur... et qu'on ne peut s'empêcher d'adorer.

Vidéo de Chocolatize : cliquez ici
Alain
Date de publication : mercredi 31 octobre 2018