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05/11/2021
Glacier tongue
RONGEUR
 
Les rongeurs ont cette manie de se faufiler, de s’installer dans la discrétion ; quand vous vous apercevez de leur présence, il est déjà trop tard, les dégâts sont commis et exponentiels ; quand vous cherchez à les déloger, les plus hargneux peuvent vous agresser. Les trois musiciens composant RONGEUR me pardonneront sûrement la comparaison, mais il faut bien dire que les débuts discographiques de ce trio norvégien furent plutôt discrets : une compilation de démos (The Catastrophist & As The Blind Strive Demos), un premier album (An Asphyxiating Embrace, 2017), deux formats courts. La signature chez Fysisk Format (sortie vinyle et numérique seulement) entraîne une activité promotionnelle qui révèle la nidification et la prolifération sous la forme de Glacier Tongue. Soit neuf petits rongeurs, pour une portée encore peu conséquente (34 minutes seulement). Et c’est heureux car ces bestioles s’avèrent redoutablement agressives, conquérantes et véloces !

Cessons-là de filer la métaphore animalière et prenons RONGEUR pour ce qu’il est, à savoir un groupe de furieux qui condensent quantité d’influences dans des formats allant du très concis (1’23 pour le percutant Gutter Marathon, chargé de Hardcore) aux plus conséquents (Underachiever à 6’34 et Years Of Withering à 6’50). Le son général peut aisément être qualifié de Sludge, du fait de ces guitares âpres et crasseuses, de ce son de basse métallique et ultra-tendu, de ces vocaux rauques, rageurs et douloureux, sans oublier un goût immodéré pour les ambiances asphyxiantes et malsaines, que ne renierait pas le EYE HATE GOD première manière.

Mais les choses ne sont pas aussi simples car RONGEUR introduit dans sa lourdeur agressive un sacrée dose de technicité rythmique, rappelant autant l’énergie Hardcore ébouriffante d’un NO MEANS NO que les méandres épais du ROLLINS BAND époque End Of Silence. Les breaks sont négociés au millimètre, on ne sait où donner de la tête ; et pourtant, on n’a jamais l’impression de se perdre car RONGEUR finit toujours par vous balancer une rythmique qui accroche en guise de repère.
Autre manifestation d’une franche tendance à l’extrémisme maîtrisé, les vocaux prennent par moments un tour si paroxystique qu’on ne peut s’empêcher d’évoquer le Black Metal. Là encore, les affaires ne versent jamais dans les cris de goret et se font fort de maintenir une ligne très agressive, mais tactiquement tenue.
Certes, quelques arrangements plus apaisés, voire étrangement symphoniques, s’efforcent d’aérer le tout. Mais force est de constater Glacier Tongue est le genre d’album qui vous saute à la gorge et ne vous lâche plus, jusqu’à ce que suffocation s’ensuive. Sous ses abords bruts, il recèle une richesse qui ne cesse de se révéler au fil des écoutes. Finalement, on n’aura jamais pris autant plaisir à se faire bouffer vivant par un rongeur en colère !

Vidéo de Nixonian Echoes : cliquez ici
Alain
Date de publication : vendredi 5 novembre 2021