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26/05/2022
Lucky foot
BRANDY AND THE BUTCHER
 
Un jour, quand j’étais môme, j’étais fasciné pour les deux trous de la prise électrique dans ma chambre ; esprit aventureux et expérimental, j’ai plongé les deux branches de fins ciseaux dans les deux sombres orifices et… j’ai pris un bon gros coup d’électricité dans tout le corps, j’ai fait sauter les plombs et je me suis fait engueuler par les parents. Comment ne pas établir un lien entre cette expérience fondamentale et mon amour pour le Rock le plus intense ?! Le fait est que je ne me suis toujours pas remis des écoutes successives de nombreux albums de Rock très énervé (merci les STOOGES et le MC5), de Hard Rock pas prétentieux (AC/DC, ROSE TATTOO, THE ANGELS, plus tardivement les débuts de GUNS’N’ROSES), de Punk (RAMONES, premier album de THE DAMNED, SEX PISTOLS, DEAD BOYS).

Aussi, quand déboule en 2022 un second album auto-produit par un quartette originaire de Caroline du sud, se revendiquant peu ou prou de ces influences diverses, je ne peux que ressentir à nouveau cette décharge si intense. Dix compositions brèves et percutantes (une seule franchit de peu le seuil des quatre minutes !) affichent insolemment leur dévotion au Rock le plus teigneux et abrasif, jugé de mauvais goût par ses détracteurs, vénéré comme une échappatoire essentielle par ses zélateurs. Est-il bien utile de vous dire que se produit ici un véritable festival du riff de guitare gras et tranchant à la fois (adorable paradoxe !) et des rythmiques carrées et nerveuses, avec un résultat percutant, teigneux et carrément jouissif. Il faut dire que le son des guitares a bénéficié d’un traitement particulièrement alourdi en plomb : si l’inspiration et les motifs relèvent de l’héritage du Rock haute tension évoqué ci-dessus, le rendu en mode coup de boule pleine face ne saurait qu’attirer les mordus de Hard Rock épais et rugueux.

Quant au chant, assurée par madame Elizabeth HALE, il faut bien avouer qu’il constitue une part essentielle dans l’identité du groupe, tant il impose de manière impérieuse son timbre nasal (un tantinet sarcastique, voire acide), son phrasé teigneux et sa capacité à varier de lignes posément modulées à des prurits de nervosité agressive. Il y a là à l’œuvre un sacré tempérament qui s’exprime, comme un condensé improbable de l’assurance grave d’une Chrissie HYNDE (THE PRETENDERS), de l’agressivité abrasive d’une Wendy O’WILLIAMS (PLASMATICS), de l’explosivité rauque d’un Angry ANDERSON (ROSE TATTOO). Traînent également à maintes reprises ces intonations graves, réminiscences du Rock’n’Roll archaïque, revivifiées dans les années 80 par un certain Lux Interior (THE CRAMPS).

Le fait est que cet album bref et braillard produit chez moi un effet puissant, comme en écho à ce choc électrique primitif que je vous ai relaté. En somme, Lucky Foot ne s’appréhende pas de telle ou telle manière, mais doit se laisser recevoir en pleine tronche, à pleine puissance : l’essence-même du Rock, qu’on se le dise…

Vidéo de I Hope You Choke : cliquez ici
Alain
Date de publication : jeudi 26 mai 2022