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23/07/2022
The holy water ep
WITNESSES
 
D’habitude, nous privilégions les chroniques d’albums, mais nous ferons une exception avec The Holy Water EP, qui ne comporte que trois compositions, pour une durée totale dépassant néanmoins les dix-huit minutes. Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois que nous rendons compte de certaines œuvres de ce projet fondé en 2016 par le multi-instrumentiste Greg SCHWAN. En 2020, le projet avait déjà produit trois albums, quand nous rendions compte positivement du quatrième opus, Doom II, en soulignant le classicisme d’un Doom Metal écrit en ligne claire (cliquez ici). En 2021, après avoir involontairement loupé un EP et un album, nous constations une franche évolution vers une musique globalement instrumentale et franchement atmosphérique (cliquez ici).

Aussi, quelle ne fut pas notre surprise en entendant l’introduction du premier titre de ce nouvel EP. En effet, Borgo Pass s’impose par des riffs dépouillés et massifs, sous-tendus par des nappes de synthés : soit le dispositif typique du Funeral Doom ! Dès la première minute, un chant féminin, posé et délicat, déroule lentement des lignes de chant au phrasé très articulé, presque parlé par moments. Un break de piano et de guitare acoustique intervient avant la troisième minute. Ce jeu des contrastes, savamment dosé et subtilement diversifié, parvient à maintenir une dramaturgie lancinante mais palpable, avant de s’éteindre au bout d’un peu moins de neuf minutes.

S’ensuit Cloistered In Purfleet, autre belle pièce de presque huit minutes. A des bruitages hantés succède le chant toujours aussi délicat et expressif de Gabbi COENEN, sous-tendu par des arrangements parcimonieux de claviers. Au bout de 2’30, la section rythmique injecte une tension retenue et laconique, l’ensemble des éléments cités progressant de concert d’une manière rampante et hypnotique, les vocaux développant une approche franchement incantatoire sur le final de la composition.

The Ballad Of Lucy And Mina conclut (fort trop) brièvement (1’43) ce format court en optant pour une approche purement instrumentale, à base d’entrelacs de guitares acoustiques laconiques.

Avec un minimum d’attention, ne serait-ce qu’en lisant les titres des morceaux, on constate que le thème commun à cet EP trouve sa source dans le célébrissime roman Dracula (paru en 1897) de Bram STOKER (1847-1912). Une source que l’on aurait grand mal à qualifier d’originale dans le monde du Metal, qui l’a tant et tant exploitée ! Cela dit, Greg SCHWAN parvient intelligemment à contourner l’obstacle en axant son propos sur les personnages de Lucy Westenra et de Mina Harker (qui sont-elles ? mais lisez donc le roman, que diable !). Aucun élément ne me permet l’interprétation suivante, que je m’autorise toutefois. Le roman et la faveur populaire qui lui est liée – sans cesse renouvelée depuis des décennies - valident de facto les exploits morbides et sanglants d’un prédateur mâle, surpuissant, promis à une quasi-éternité et légitime dans son autorité ancestrale - tourné ostensiblement à l’encontre de la gente féminine. En 2022, on peut difficilement faire l’économie du constat qu’un musicien tout à fait indépendant opte de son propre chef pour un choix ostensible d’une mise en évidence des victimes du prédateur des Carpathes.
Démarche subtile qui rehausse ce surprenant retour vers plus d’électricité et de pesanteur. Mais, avant tout, quelle limpidité dans l’expression, notamment vocale ! Quelle gestion intelligente du dénudement et d’une dimension rythmique massive d’une part, d’un chant féminin et d’arrangement de claviers et de guitare acoustique d’autre part !

Même dans le cadre de formats brefs, WITNESSES, alias Greg SCHWAN, parvient à superbement illustrer en musique et en chant la fatalité morbide qui pèse sur nous tous et nous toutes… quand bien même nous ne croiserions jamais le chemin sinistre d’un dracul.

Vidéo de Borgo Pass : cliquez ici
Alain
Date de publication : samedi 23 juillet 2022