18 / 20
09/10/2022
Ultimu’ lup
SYN ZE ŞASE TRI
 
SYN ZE ŞASE TRI a vu le jour en 2007 à Timisoara, ville de Roumanie, sous l’impulsion initiale du guitariste Corb (de son vrai nom Alex MIHAI), membre des fondamentaux NEGURA BUNGET sur l’album Vîrstele pămîntului (2010). Le combo a ouvert son compteur discographique en 2011, avec un premier album baptisé Între două lumi (entre deux mondes). Ma rencontre avec le Black Metal symphonique du groupe se fit l’année suivante, avec le second opus, Sub semnul lupului. Par la suite, je loupai Stăpîn peste stăpîni (2015) et Zăul moș (2017). Pour autant, c’est avec une curiosité bienveillante que je me reconnecte à la trajectoire de SYN ZE ŞASE TRI avec cet Ultimu’ Lup.

Encore et toujours, faisant fi des modes, le groupe maintient le cap d’un Black Metal symphonique, enrichi de multiples influences sur lesquelles je reviendrai un peu plus loin. Pour ce qui est du substrat Black Metal majoritaire, SYN ZE ŞASE TRI a de longue opté pour une ligne claire : des vocaux majoritairement aigres, écorchés et hargneux mais articulés, des guitares rêches et acides en rythmique, une section rythmique qui alterne à merveille des tempos fulgurants, des passages mid-tempos tranchants, voire des plages franchement plus lentes. Rien qu’avec ce versant de son identité, le groupe assure sans forcer son quota d’agressivité et d’impacts rudes, aidé en cela par une production privilégiant un son direct et par un mixage particulièrement équilibré.

Quant à l’aspect symphonique, il s’avère tout à la fois littéralement omniprésent et savamment dosé. En somme, le groupe assume pleinement d’utiliser des synthés (aux sonorités un peu datées 90’s), voire des chœurs ou du chant féminin, ainsi que du violon et de la flûte de Pan, pour conférer à son Black Metal nerveux et agile une dimension orchestrale, gothique et fantasmatique. Cela dit, à aucun moment les arrangements symphoniques ne prennent le pas sur l’agressivité, par plus que sur la force à l’impact. SYN ZE ŞASE TRI est bel et bien parvenu à installer un équilibre idéal au sein duquel la Belle et la Bête collaborent dans le plus parfait respect de leurs caractéristiques respectives.

Autre apport marquant, si ce n’est ostensible : le pur Heavy Metal européen des années 80, principalement dans le registre des solos de guitare, limpides et mélodiquement construits selon une dramaturgie immuable (notes tenues pour le côté bluesy, avalanche de notes pour le versant technique), avec un rendu toujours aussi performant à travers les décennies. Qui plus est, la limpidité éventuelle des guitares, ponctuellement conjuguée à des tempos rapides propulsés par une double grosse caisse, évoque immanquablement l’entraînante mécanique du Power Metal mélodique, à la fois chatoyante et impitoyablement musculeuse.

Ajoutons une autre dimension, profondément fusionnée avec l’ADN Black Metal : l’impitoyable clarté et force de la section rythmique, ainsi que des vocaux plus caverneux par moments injectent inévitablement une dimension Black Death ravageuse et corrosive. Laquelle participe à renforcer considérablement le rapport le couplage maîtrise dévastatrice + agression imparable.

Et puis, il y a sur cet album quantité de détails qui participent amplement à élargir la palette sonore et émotive, sans rien rogner sur l’essentiel du propos, corrosif et plus grand que la vie. Tiens, de la guitare acoustique, vive et enlevée, en introduction du ravageur Din Om Neom. Du synthé-clavecin caracolant en ouverture du furieux Blestem De Fiara. Intéressants, ces riffs trapus et tordus, en mode Post Metal sur le progressif titre éponyme.

Tout autant qu’il vous matraque impitoyablement et méthodiquement le plexus solaire, Ultimu’ Lup attire l’auditeur ou l’auditrice par le truchement pensé et intégré de nuances et de fulgurances absolument redoutables. Je ne vous parle pas ici d’un saut stylistique qu’il ne faudrait pour rien au monde louper, mais bien d’un exercice de style brillant, vibrant, maîtrisé, néanmoins passionné. En somme, SYN ZE ŞASE TRI convoque à la fois le clinquant symphonique, légèrement et volontairement daté, pour mieux le fondre dans une formule Black Metal acérée et raisonnablement ambitieuse. En tout cas, plus que jamais évocatrice d’un corpus relevant de l’imaginaire – largement plus fantasmée et romancée qu’historiquement prouvée – d’aussi essentiel que particulier de la Transylvanie, terre de fantasmes aussi morbides que puissants.

Vidéos de Ultimu’ Lup cliquez ici et de Osânda (Proclețenie) cliquez ici
Alain
Date de publication : dimanche 9 octobre 2022