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09/10/2022
V - upgrade to obsolete
YURT
 
Humblement parlant, après 40 ans de bourlingage spatio-musical à écumer les rades à vinyles, et les tréfonds de la galaxie internet, il est rarissime que je percute accidentellement la discographie en 5 volumes d’un groupe qui soit passé hors de mes radars. Qu’en plus ce groupe réponde point par point à mes aspirations relève de la plus certaine des improbabilités absolues, et pourtant cela vient de m’arriver avec le trio irlandais YURT.

Premier pas dans V - Upgrade To Obsolete. Petite bande son cosmique pour mettre un pied dans l’Univers d’YURT. Avec un son assez clair et dynamique, la rythmique décolle comme un souffle de RUSH boosté au HAWKWIND. Il ne m’en faut pas plus pour que j’écarquille des yeux comme des soucoupes. Après quelques minutes instrumentales époustouflantes, Paralyse part dans un délire voïvodien à peine croyable. Pendant 13 minutes, Paralyse me tétanyse !

L’album se déroule ainsi pendant plus d’une heure, enchaînant des plans de metal progressif qui préservent une dimension space-rock sans jamais tomber dans le planant ou le contemplatif car les rythmiques restent toujours pêchues. Je constate un parfait équilibre sonore entre les composantes guitare/basse/batterie, l’un ou l’autre prenant épisodiquement la tête selon les besoins de la cause.

Des synthés un peu déglingués et quelques effets électroniques de laser, de scintillements, de bruits blancs, d’échos et autres mignoreries s’invitent également à la fête. Je les compare à des onomatopées de comics qui conférent aux compositions une couleur très second degré de caricature SF. N’oublions pas qu’YURT est une engeance de « Sonic Elders » (les Anciens Soniques), à rapprocher de ces fameux Grands Anciens, ou lignées de mystérieux dieux de temps oubliés, qui peuplent les récits fantastiques de type lovecraftien.

Il n’est pas totalement question d’album instrumental puisqu’un seul titre, The Book Of Oesphagus, est dépourvu de paroles – c’est d’ailleurs à vous de les écrire, est-il précisé sur la pochette. Objectivement, les passages chantés ne représentent qu’une modeste part de l’album. Subjectivement, le chant, sous forme de prières chargées de désespoir ou de commandements sibyllins, participe à l’aura de mystère qui émane de l’œuvre. À croire qu’YURT fait tout ce qui est en son pouvoir pour martyriser vos repères et vous perdre. Selon moi, il s’agit plutôt d’une démarche censée enclencher dans votre esprit le processus de création de votre propre représentation de son monde.
Humain, ne pose jamais une question à un Ancien Sonique car, en jardinier de l’esprit, il ne te délivrera comme embryon de réponse qu’un écho de ta propre pensée. Il faut d’abord se perdre pour mieux se retrouver.

Le son possède une forte couleur Metal, mais ne cherchez pas trop de power chords, vous trouverez beaucoup plus de gammes étranges venues de l’espace et d’accords un peu barrés qui résonnent comme une singulière liturgie adressée à des entités mobiles sur le continuum du bien et du mal. À l’évidence, Upgrade to Obsolete possède une indéniable dimension spirituelle, bien que celle-ci soit élaborée pour épouser l’esprit de chaque auditeur. Cet album agit comme un parasite cérébral qui se nourrit des pensées de son hôte pour en révéler le sens. Ne serait-il pas de la famille du Poisson Babel de Douglas ADAMS ?

Hallucinante convergence des flux cosmiques du metal, du progressif et du psychédélisme, cet album qui sort mi-novembre se propulse directement en haut de mon chart 2022. INCONTOURNABLE !

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Passage obligé par l’œuvre graphique de Boz MUGABE :

Il me semble difficile de tracer une frontière étanche entre la musique d’YURT et l’univers pictural de Boz MUGABE. De la même façon que le rock du groupe est la convergence de multiples influences, la peinture de Boz est une synthèse de plusieurs univers. J’y vois un aspect pop art proche d’une bande dessinée ponctuée d’onomatopées, des divinités précolombiennes tout droit sorties de l’art Maya ou Aztèque, et des influences de masques africains primitifs. Le style est personnel et mûrement codifié comme le serait l’expression d’une antique civilisation, celle des sonic elders, sans doute.
Ces œuvres me laissent une impression tenace : ce n’est pas moi qui regarde la peinture, c’est la peinture qui me regarde ! Je suis de nouveau face à cette inversion des rôles car là aussi, ce n’est pas l’artiste qui s’exprime mais l’œuvre qui cherche ce qu’il y a en moi.

Le binôme YURT/Boz a ce point commun avec le binôme VOÏVOD/Away, celui de nous proposer un univers narratif, musical et pictural à la fois singulier et cohérent.

Pour découvrir la galerie de Boz MUGABE, cliquez ici.

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YURT est composé de :
- Andrew BUSHE, percussions ;
- Steven ANDERSON, guitare, chant, saxo ;
- Boz MUGABE, basse, chant, trucs électroniques et graphisme.

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Extrait de V – Upgrade To Obsolete :
- Paralyse : Cliquez ici !
Pumpkin-T
Date de publication : dimanche 9 octobre 2022