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08/11/2022
Przeklęte wody
WIJ
 
Lorsqu’un album arrive à mes oreilles et tourne en boucle une dizaine de fois sans que je puisse interrompre sa diffusion, je dirais que c’est plutôt bon signe. Quoi qu’il en soit, j’ai vécu cette situation avec Przeklęte Wody, le second mini-album du trio polonais WIJ.

En français, WIJ se traduit par scolopendre bien qu’il se définisse lui-même comme « une créature à six pattes et trois têtes qui rampe la nuit en dehors des caves de Varsovie ». Puisque j’en suis aux traductions, selon Google, Przeklęte Wody (eau maudite) serait l’inverse de woda święcona (eau bénite), ce qui correspondrait bien à l’étiquette « occulte » que certains ont déjà collée au trio dont les paroles se baseraient sur de sombres histoires de superstitions païennes, d’érotisme et d’immondes traditions. Honnêtement, ce que je retiens des textes, c’est surtout la manière dont ils sont chantés par Maria dont la voix et l’interprétation sont éblouissantes. Cette désinvolture avec laquelle elle peut grimper dans des aigus inaccessibles au commun des mortels me laisse admiratif. Son exceptionnelle tessiture est d’autant mieux mise en valeur qu’elle contraste avec la guitare qui adore riffer dans le registre des graves.

Eh oui, la formule instrumentale de WIJ est on ne peut plus minimaliste, se résumant à la guitare de Palec et à la batterie de Miko. Sans doute est-ce là ce qui confère à leur musique le caractère direct et spontané d’un proto-metal que l’on peut aisément rattacher à la mouvance des seventies. La batterie martèle avec puissance, la guitare accordée bas imprime des riffs très lourds, très doom et crée une ambiance des plus glauque. Une image ne veut pas quitter mon esprit : WIJ me fait l’impression d’une larve obscure qui se tortille dans l’ombre et le chant agit alors comme un catalyseur qui engendre la métamorphose de la bestiole, lui donnant tout à coup des ailes pour lui ouvrir la porte des cieux. Le résultat de cette alchimie est d’une beauté à couper le souffle.

Narwal ouvre l’album avec une guitare épaisse et crépitante soutenue par le battement incessant des toms. Le chant survient, il m’empoigne, m’emporte et m’évite de sombrer dans le tourbillon infernal de la rythmique. Superbe morceau !

La seconde plage commence calmement. Quelques notes de guitare inquiétantes sont égrenées sur une rythmique très légère du batteur durant plusieurs mesures et le timbre étonnamment grave de la voix. Puis, le batteur enfonce un pieu, la six-corde se charge en électricité et assène un riff primaire imparable. Wilczy Nów va ainsi osciller entre douceur et puissance jusqu’à un final glaçant peuplé de hurlements.
[Edit. 11/11/22 : Honte à moi, j'avais zappé que Wilczy Nów était une reprise de Wolf Moon de TYPE O NEGATIVE, sans doute parce que, plus qu'une adaptation, la version de WIJ est une réappropriation de l'original - excellent travail !]

Le rythme s’accélère sur Jutra Nie Ma, un petit brulot punk dans l’âme. D’ailleurs la traduction du titre qui s’approche du « no future » me conforte dans mon appréciation. Ce court morceau sous forme de cavalcade me fait ressentir une vraie urgence.

Metabunkier clôt l’album avec brio. Il s’agit probablement de l’un des plus magnifique bijou de doom metal qu’il m’ait été donné d’entendre : évident, écrasant, sombre et lumineux à la fois… c’est du Soulages en musique.

Certes, quatre morceaux sur un gros quart d’heure, c’est court – je suis bien d’accord. Cependant, la qualité des compositions, de leur interprétation, ainsi que le frisson irrépressible qui m’envahit à l’écoute de Przeklęte Wody en font une œuvre indispensable.

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WIJ est composé de :
- Maria, chant ;
- Palec, guitare ;
- Miko, batterie.

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Extraits de Przeklęte Wody :
- Metabunkier : Cliquez ici !
- Narwal : Cliquez ici !
Pumpkin-T
Date de publication : mardi 8 novembre 2022