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03/07/2023
Born under a mad sign
CHURCH OF MISERY
 
Fondé en 1995, le quartette japonais CHURCH OF MISERY n’a à ce jour jamais dérogé aux deux grands axes stratégiques qui caractérisent son projet artistique. En premier lieu, le combo a encore et toujours pratiqué un Heavy Doom, Stoner friendly, ostensiblement inspiré de BLACK SABBATH et du Heavy des années 70. En seconde instance, que l’on aime ou pas, le groupe consacre exclusivement (si l’on excepte les reprises de BLUE ÖYSTER CULT, CACTUS, GUN, SIR LORD BALTIMORE, QUATERMASS) son univers textuel et visuel aux tueurs en série ! SLAYER petits joueurs (ça rime) ! Pour son septième album, le groupe n’a surtout rien renié, rien redéfini, rien abandonné, rien adopté de nouveau. A quoi bon, m’objecterez-vous peut-être ? Tout d’abord, premier argument à l’encontre des sceptiques et des snobs (c’était mieux à leurs débuts) : CHURCH OF MISERY n’a jamais, ô grand jamais, déclaré vouloir redéfinir, encore moins réinventer le Heavy Metal originel. La motivation initiale, toujours vibrante, demeure de s’emparer de cet héritage glorieux et ô combien précieux, pour en proposer une mouture personnelle et vibrante. En second lieu, les qualités intrinsèques de ce nouvel album le rendent tout à fait apte à jouer un rôle initiatique pour les nouvelles générations, qui n’ont pas connu (faute d’être né.es, tout simplement) la gestation du Heavy Metal dans les années 70, puis sa déclinaison entre différentes variantes de Doom dans les années 80, avant que le Stoner ne rebatte les cartes à partir des années 90.

A défaut de casser le moule ou de redéfinir la formule de base, Born Under A Mad Sign synthétise à la perfection le projet initial de CHURCH OF MISERY. Loin de n’être qu’un exercice de lourdeur et de lenteur, ce nouvel album offre au contraire un visage plus contrasté et dynamique qu’on pourrait s’y attendre. Si vous cherchez du riff épais et charbonneux, ne vous inquiétez aucunement, vous serez abondamment pourvu.es en matière de lourdeur et d’épaisseur, les livraisons portant le sceau de l’influence du maître de forge Tony IOMMI ! Le résultat sonne d’autant plus percutant que la section rythmique se montre intraitable dans les séquences les plus plombées, mais parvient aisément à s’agiter quand le tempo s’emballe quelque peu, rappelant en cela à merveille les pratiques rythmiques en vigueur lors de la première moitié des années 70. En matière d’équilibre entre épaisseur et mobilité, entre puissance et groove, songez certes à BLACK SABBATH, mais aussi aux inimitables initiateurs CREAM, GRAND FUNK RAILROAD, JAMES GANG, CACTUS, TEN YEARS AFTER et BUDGIE. En ces années-là, le développement de la puissance rythmique allait de pair avec un maniement renouvelé et décuplé des héritages Blues et Boogie. D’ailleurs, ne serait-ce que par le titre de cet album, CHURCH OF MISERY établit un lien évident avec le Blues, puisque Born Under A Mad Sign s’avère de facto être une allusion à la fameuse chanson Born Under A Bad Sign, du guitariste et chanteur de Blues Albert KING, parue en 1967. Ne croyez pas que cette connexion soit purement allusive, tant le Doom groovy développé par CHURCH OF MISERY implique une alternance de moments lourds et lents et de passages nettement plus mobiles, avec toujours en toile de fond un souci de puissance et d’épaisseur sonore.

Outre une influence Blues avérée, particulièrement prégnante dans les solos de guitare, notons que CHURCH OF MISERY fait valoir son (bon) goût pour le Rock’n’Roll primaire, tel que réinterprété et décuplé par MOTÖRHEAD, BLUE CHEER, les PINK FAIRIES, le MC5 au cours des années 70. Voilà une fort saine et vivifiante influence, qui anime notablement le Doom épais pratiqué par CHURCH OF MISERY. Sans être un spécialiste de la discographie du groupe, il me semble que CHURCH OF MISERY a rarement atteint un tel équilibre entre pesanteur Doom et rugosité Rock, que ce soit en termes de composition, d’interprétation ou de mise en son (production très live, mixage à la fois précis et puissant). Le chant rauque, mais articulé et expressif, contribue à alimenter cette double filiation entre Heavy originel et Doom classique d’une part, Blues Rock granitique d’autre part.

Aussi, cela ne me gêne pas d’affirmer que ce septième album studio fait honneur à la discographie du groupe et constitue, par ailleurs, un point d’entrée particulièrement vivace et pertinent dans le Doom Metal, tendance Rock.

Post scriptum : n’étant que peu fan de la fascination à l’égard des tueurs en série, je laisse à chacun.e le soin de découvrir quels criminels se trouvent évoqués sur cet album.

Vidéo de Freeway Madness Boogie (Randy Kraft) : cliquez ici
Alain
Date de publication : lundi 3 juillet 2023