Live report : SCHISMA ADRANA AKPHAEZYA, Lailly en Val (45), le 30 janvier 2010 ( SCHISMA , ADRANA , AKPHAEZYA )
L’association IGDC est décidément très active sur le Loiret. Cette fois, les organisateurs nous ont concocté une affiche éclectique centrée autour de groupes à chanteuse. Le mail promo l’annonçait : « concert de Metal Symphonique avec trois groupes aux styles bien différents ». C’est donc curieux que je me rends en ce froid dernier samedi de janvier dans cette superbe salle de 600 places qu’est la Lisotte, à Lailly en Val. Curieux, car je ne connais aucun des groupes qui jouent et, hormis les quelques hurlements hystériques que j’ai pu entendre sur le site d’AKPHAEZYA, j’ai envie d’en savoir plus.

Les franciliens de SCHISMA entrent sur scène vers 21h et disposent d’une bonne heure pour présenter leur album, Entre Ces Murs. La première chose qui frappe est le groove général de la musique ainsi que la place accordée à la basse de Vinz, omni présente sans jamais prendre la place de la guitare tenue par Erco. Au contraire, chaque instrument est complémentaire et cela se confirmera sur l’ensemble du set. Les influences diverses et variées participent à la cohésion de cet ensemble ici lourd et direct, là aérien et léger. SCHISMA puise autant dans les formations anciennes (QUEEN, LED ZEPPELIN), modernes et reconnues du Heavy (JUDAS PRIEST, METALLICA, etc…) qu’auprès de groupes plus soft comme THE POLICE (période Synchronicity). Julie (la chanteuse… je vous rappelle qu’il s’agit d’une soirée « groupes à chanteuse » !) a le contact facile avec le public, sait maintenir son attention, et sa voix est totalement adaptée – car directe et mélodieuse – à ce genre de Metal. Malgré quelques gimmicks bienvenus, comme s’asseoir un instant devant la batterie de Loco,en compagnie de Vinz, le temps d’un morceau plus calme, et si la complicité au sein de l’équipe est palpable, les sourires connivents fréquents, si, enfin, musicalement SCHISMA parvient à maintenir l’attention de l’auditeur en éveil, grâce à une variété d’influences et une efficacité indéniable de ses titres, il ne manque au final, à Julie qu’un grain de folie qui ferait passer cette prestation de sympathique à mémorable.
Setlist SCHISMA : Entre Ces Murs, Dernier Souffle, Parano, Sweet Poison, Nébuleuse , Lost, Obsession, Dans Les Gênes, Somebody Else , Ma Haine, Fille De L’Ombre

Avec ADRANA, on passe à un autre monde. Le groupe tourangeot parvient, avec peu de moyens, à développer un univers particulier, basé sur l’heroïc fantasy, l’affrontement nécessaire entre le bien et le mal, thème développé sur son premier album Perturbatio… Fleur bleue ? Que nenni, mécréants ! Vilain celui qui aussi simplement ose penser ! Si l’histoire de la princesse Adranna est classique, son développement scénique attire le public et réussi à le convaincre. Tout y est : les tenues (splendide travail sur la robe d’Anae, malgré un léger incident que je tairais ici), la mise en scène, les surprises et, surtout, la musique. ADRANA la définit comme de l’Opéra Metal, nous pouvons simplement lui coller une étiquette générique de Metal Symphonique. De haut niveau : je n’ai pas encore eu l’opportunité d’entendre un telle voix dans le Metal hexagonal actuel. Non contente de maitriser remarquablement le chant lyrique, avec parfois des intonations Kate Bushienne, Anae joue de et avec son corps qu’elle meut aussi délicatement qu’elle headbangue fréquemment. Et lorsqu’intervient Damien, chanteur au sein d’un groupe de Death, la joute vocale que se livrent les deux protagonistes sur L’Eveil De Markius et Mortelle Fourberie Enfantine est réelle et intense. Si Ludovic et Emeric (respectivement guitariste et bassiste) emplissent efficacement la scène, le travail mélodique et rythmique de Ghryll (claviers) et Maxime (batterie) est parfaitement indispensable à cet ensemble qui laisse rêveur. Avec l’aide d’un investisseur (courageux) et de financements permettant de développer un décor scénique complet, ADRANA devrait pouvoir trouver une place parmi les grands du genre. Le projet, en tout état de cause, est ambitieux et mérite qu’on s’y intéresse de plus près.
Setlist ADRANA : Prusias, Secret Gathering, The Nymphe’s Corpse, Saneday, The Lord Of the Tapestry, L’Eveil De Markius, Mortelle Fourberie Enfantine, Gabrielus, Ingalrian

En me renseignant sur la page myspace des orléannais d’AKPHAEZYA, j’avais eu comme un début d’inquiétude en écoutant quelques extraits du premier album, Anthology II : Links From The Dead Trinity, surtout en entendant, comme je l’ai écrit plus haut, les hurlements hystéro pétés de ce qui est censé faire office de chanteuse au sein de ce quatuor. Un imposant clavier Korg installé au milieu de la scène me laisse aller à imaginer que Nehl, la sus mentionnée chanteuse, pourrait être gênée dans ses envies de déplacements du fait de cette masse volumineuse. Mais voilà, les a priori tuent tout… AKPHAEZYA est plus qu’un groupe, c’est un véritable concept, issu de l’imagination fertile de Stephan H., guitariste et fondateur de cette entité à laquelle se sont greffés les talents du véritable phénomène vocal qu’est Nehl (sa formation classique y est certainement pour beaucoup), du bassiste Stéphane BEGUIER et du batteur explosif Loïc MOUSSAOUI, un concept digne d’un Seigneur Des Anneaux doublé des parties les plus complexes de Donjons et Dragons et des instants les plus sombres de Dark Crystal. Une terre éclairée par des soleils jumeaux, sur laquelle règne une reine despotique qui a étendu son empire infernal sur les 14 royaumes… On imagine aisément le déroulement de l’histoire – ou, tout du moins, d’une partie de cette histoire qui doit être contée au cours de cinq albums – dont le groupe présente ce soir un des volets. Des moments de douceurs devraient donc côtoyer d’intenses drames horrifiques. Seulement, là encore, c’est trop simple.
AKPHAEZYA est complexe et, très rapidement, m’emporte dans cet univers à la fois intrigant, envoûtant et effrayant. Le groupe parvient en une fraction de seconde à changer d’ambiance de façon très naturelle, passant du Heavy à des sons orientaux, pour venir flirter avec le Speed ou le Death ou, a contrario, le jazz et le blues. Et, là encore, contrairement à mes impressions premières, Nehl ne fait pas que vocalement dégueuler, elle en est bien loin ; son chant, du vrai, colle parfaitement à cet environnement musical, un chant par moment doux et léger, à d’autre puissant, par instants taquin et narquois, et en fin de set plus qu’hystérique. J’entends aussi bien, de nouveau, Kate BUSH que Nina HAGEN ou Klaus NOMI parmi d’autres… C’est dire l’étendue vocale de la chanteuse, véritable spectacle vocal et physique dont l’énergie et la folie (ce grain de folie manquant à Julie, il y en a à revendre ici !) l’accompagnent tout au long de ce set qui se termine par… une panne de micro. Le temps que le câble soit changé, Nehl danse frénétiquement sans se laisser démonter, malgré le départ de la salle d’une partie du public.

Setlist AKPHAEZYA : Stoner, Reflection, Chrysalis, Electro, Opeth, The Secret Of Time, Latino, the Golden Vortex Of Kaltaz, Bourrine

Au final la soirée a tenu les promesses annoncées par IGDC, à savoir trois groupes aux styles bien différents et totalement complémentaires, et a permis au public de découvrir trois formations au potentiel intéressant. De les découvrir et d’y être particulièrement réceptif, si l’on s’en réfère aux applaudissements nourris recueillis tant par SCHISMA que par ADRANA ou AKPHEZYA et des quelques commentaires que j’ai pu entendre dans la salle. Mais trop peu de monde était présent pour faire de ce concert un moment vraiment mémorable. Dommage, vraiment, que le public ne soutienne pas plus ce type d’initiative. Sans doute est-ce dû à la période, à la météo, au froid (il fait -6°C en quittant la salle…), le manque de promo et de visibilité de l’assoc’ ? Qui sait ? Alors, je termine par une suggestion : Lailly en Val étant excentré, pas facilement accessible sans voiture, il serait sans doute profitable pour tous, IGDC en premier lieu, de repenser l’organisation de ces évènements : que ces manifestations soient plus visibles avec un affichage et distribution de flyers plus conséquents dans les villes alentours, ouvrir les portes un peu plus tôt afin d’avancer le passage du premier groupe, réduire de 10 ou 15’ les sets, les ramener, hormis celui de la tête d’affiche, à 45’ afin de terminer moins tard. Certains jeunes peuvent se faire accompagner en voiture de leurs parents (qui sait ?) mais ces derniers sont-ils prêts à récupérer leur douce progéniture passé une heure du mat’ et se taper la route en sens inverse ? De plus, il est toujours dommage (surtout pour les groupes) de voir le public partir avant la fin du spectacle ; dès minuit trente, certains sont allés faire dodo… Ceux là sont toutefois venus.

Marpa, le 3 février 2010
metalmp
Date de publication : lundi 8 février 2010