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Doom psychédélique et possédé
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Premier pic d’attention en 2007 avec une démo CD de quatre titres, The Beast Must Die (dont trois pistes s’étageant entre 11’ et 14’, d’entrée de jeu !). Vint ensuite le choc absolu de Blood For The Bloodking (2008), album gargantuesque, débordant d’un Doom Metal classique, littéralement surpassé par une approche tout autant fidèle aux préceptes du Doom à la SAINT VITUS, THE OBSESSED ou PENTAGRAM, voire TROUBLE à ses débuts, que soucieuse de la déborder franchement en termes d’intensité shamanique. En 2015, Lost’n Drunk assura la succession, avec une constance dans l’outrance maîtrisée, avec une touche psychédélique plus prononcée. Depuis, seule la compilation live 2005-2020-Doom Over The Years sut faire patienter la cohorte des fans du groupe poitevin. La délivrance arrive enfin, avec un troisième album baptisé Clans Of The Alphane Moon. Soit sept compositions pour une durée totale de 70 minutes ; il n’est pas utile de consulter Cédric Villani pour comprendre que nous avons affaire à une collection de titres aux proportions colossales : To The Solar System fait office de nain avec ses 8’15, tandis que quatre pistes crèvent allègrement les neuf minutes, deux autres explosant le seuil des onze minutes. En somme, malgré les ans passés, le groupe ne s’est toujours départi de son goût pour les espaces vastes et libérés de toute contrainte. Reste à jauger sa capacité à se maintenir à un niveau qualitatif analogue à ses précédentes prestations, lesquelles affichaient d’ores et déjà des jauges impressionnantes.
Des enregistrements précurseurs (déjà anciens), le groupe français conserve en 2024 le sens des rythmiques qui débitent les troncs de séquoias millénaires, le cul collé sur des tempos plus ou moins lents. Diantre, que les riffs de guitare s’avèrent granuleux, râpeux, abrasifs, à la fois comme s’ils avaient longtemps mariné dans un chaudron ayant servi tour à tour à CELTIC FROST, au Doom classique des années 80 (voire les noms cités précédemment, mais aussi la scène du Maryland, avec UNORTHODOX, IRON MAN, WRETCHED, INTERNAL VOID…), CATHEDRAL, SLEEP, puis ELECTRIC WIZARD… on en oublie sûrement, qui auraient sciemment oublié de récurer le récipient. Rien qu’à l’écoute, on risque de se choper le tétanos et une hépatite C ! Pourtant, tout crasseux qu’il demeure, chaque accord décoché demeure parfaitement distinct à l’impact, méticuleusement positionné pour commettre des dégâts massifs. Au final, les riffs ne formant jamais une muraille indistincte (contrairement à la lourdeur extrême du Funeral Doom), mais réitérent ad nauseam les pressions irrépressibles. Et ce d’autant plus que, s’agissant d’un album conceptuel, le groupe s’est payé un petit plaisir pervers de semer des similitudes rythmiques au fil de l’album : une merveille pour l’auditeur masochiste. Qui plus est, les lignes de basse claquantes et sévères de Heimreich renforcent terriblement les riffs, en augmentant leur potentiel éruptif et grondant, tout en injectant ponctuellement un groove herculéen. Ouch !
L’un des éléments qui empêchent que les rythmiques lentes et hypnotiques de THE BOTTLE DOOM LAZY BAND s’enlisent dans la monotonie boueuse, c’est le jeu de batterie du surnommé Guyome. Certes, le lascar ne manque jamais de marquer très sèchement la lenteur du tempo, avec une sévérité intraitable, qui ravira les adeptes de spanking BDSM. Cependant, ce vicieux n’a de cesse d’enrichir ce tronc commun hiératique de subtilités à base de contretemps et d’un usage salvateur des cymbales. Point de plaisir solitaire de batteur de Prog frustré par un contexte Doom ; notre homme possède l’intelligence pour comprendre que lenteur et lourdeur prennent une ampleur encore plus redoutable quand existe une animation dynamique, aussi subtile que percutante.
Bien évidemment, nous avons l’immense plaisir d’entendre à nouveau résonner les lignes de chant du pseudonymisé Bottleben. Plus que jamais, elles s’avèrent épaisses, rauques et lancinantes, voire hypnotiques, mais constamment animées par un vibrato dramatique, ô combien expressif, quoique jamais excessif. Ce type au larynx volcanique vous chope par le colbac, vous éructe ses histoires folles droit dans l’oreille, semble partir en transe, sans jamais toutefois partir en vrille. Définitivement, ce type chante comme un shaman électrique qui aurait grandi à Tchernobyl. Il se trouve que ses incantations habitées produisent des modulations suffisamment maîtrisées et identifiables pour produire des accroches vocales, autant mélodiques que rythmiques. Du grand art brut.
Il existe une autre dimension essentielle à la variété de l’identité du groupe en général, de cet album en particulier, dimension délivrée par les guitares d’Opyat et de Pierre. En effet, les deux complices se plaisent à délivrer des solos et à épaissir les riffs – qui n’en demandaient pas tant ! – d’entrelacs aux mélodies visqueuses et rampantes, exsudant des influences Blues revisitées par le psychédélisme le plus poisseux. Un peu comme si on avait concaténé le Vincebus Eruptum (1968) de BLUE CHEER, le Fun House (1970) de THE STOOGES et le Volume 4 (1972) de BLACK SABBATH ! Entre Blues boueux et Blues spatial, THE BOTTLE DOOM LAZY BAND a choisi de ne pas choisir et de cumuler : orgie de saturations garantie !
A ce stade, si vous n’êtes pas déjà en train de commander l’album, je ne peux qu’ajouter que, si le son est abrupt, le mixage préserve la puissance nécessaire, ainsi qu’une juste exposition de chaque ingrédient, ce qui n’est pas une mince affaire. A mon sens, il s’agit d’un album essentiel et rare, dont le côté colossal va aider à patienter avant de, peut-être, entendre un quatrième opus (n’oubliez jamais le terme lazy dans le nom du groupe !). Je ne sais pas s’il faut vivre dangereusement, mais j’adhère pleinement à l’adage selon lequel il faut vivre intensément : Clans Of The Alphane Moon va vous y aider !
Vidéos de Crawling End cliquez ici, The Technosorcerer cliquez ici et To The Solar System cliquez ici
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