AKPHAEZYA - Fell down the veil (anthologies 1, 3 & 5)
Style : Prog Heavy / Prog Metal / Prog Rock
Support :
CD
- Année : 2024
Provenance du disque : Acheté
9titre(s) - 46minute(s)
Site(s) Internet :
AKPHAEZIA FACEBOOK AKPHAEZYA BANDCAMP
Label(s) :
N-Vox
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(18/20)
Date de publication : 17/11/2024
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Prog conceptuel : le retour gagnant
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Une fois n’est pas coutume, débutons cette chronique par une information qui connote forcément l’appréciation du chroniqueur sur ce troisième album du projet français AKPHAEZYA. Je le confesse bien volontiers, j’ai participé à l’appel de fonds lancé par le groupe afin de financer ce troisième opus. Je n’ai aucun lien ni familial, ni amical, ni d’aucune sorte avec le combo, mais, j’avais grandement apprécié le second volet du triptyque conceptuel imaginé par le guitariste et compositeur ZagZero (alias Stephan H.). Souvenez-vous, en 2012, voilà ce que je pensais du second album du groupe : cliquez ici. Sachant qu’en 2008, un autre chroniqueur avait positivement accueilli le premier volet de la trilogie (cliquez ici), il était évident que nous ne pouvions pas bouder le retour inattendu d’AKPHAEZYA, après quatorze années de disette !
Justement parce que l’attente avait été aussi longue, les angoisses s’accumulèrent en proportion. Comment conserver l’influx initial, tout en marquant une progression ? Comment sonner toutefois comme un groupe des années 2020, et non comme une formation des deux décennies précédentes ? Enfin, comment pallier l’absence de l’extraordinaire chanteuse Nehl AËLIN (elle s’illustre toutefois au chant et au piano sur le titre A Mother Last Will, assurant une sorte de passation magique, découvrez son univers Electro-Pop incroyable ici : cliquez ici), qui illumina les deux premiers volumes de son talent invraisemblable ?
On peut d’emblée répondre à la dernière question en révélant qu’AKPHAEZYA a paré cette absence d’une chanteuse exceptionnelle en recrutant… une autre chanteuse exceptionnelle. Il suffisait d’y penser !!! Accueillons avec bienveillance et enthousiasme Hakata OOH, laquelle possède des atouts différents de celle à laquelle elle succède. Dans les séquences les plus pondérées, elle déploie un registre médium, impeccablement modulé, à la fois expressif et puissant, porteur d’émotions vives. Jusque-là, on peut descendre un pont-levis avec l’univers de Nehl. Sauf que, très rapidement, on assiste à des variations brusquement négociées, orientées vers des approches plus nerveuses, plus ostensiblement percutantes et saccadées, souvent plus aiguës, voire carrément agressives. Une telle versatilité s’avère suffisamment rare dans le cadre d’un album, mais, quand elle se produit au sein d’un seul couplet, sans qu’aucune rupture de justesse ou de pertinence dramatique n’éclate, on peut se sentir en droit de saluer une succession bluffante de prestations à la fois intenses et nuancées, percutantes et entêtantes, tout à tour ancrées dans le chant Metal et largement irriguées par des univers plus divers. J’ai mis longtemps avant d’identifier une analogie, que je livre à votre sagacité critique : les registres vocaux déployés par Hakata OOH m’évoquent invariablement l’abattage exceptionnel de Serj TANKIAN au sein de SYSTEM OF A DOWN. Comme le grand barbichu, Hakata développe un sens du rythme affuté au possible (madame est également danseuse, ceci expliquant peut-être cela) et un sens dramatique aigu (madame est également illustratrice, ceci expliquant peut-être cela), le tout servi par une maîtrise technique impeccable. Si vous voulez en savoir davantage sur cette artiste complète, faites-vous plaisir : cliquez ici. On relève une collaboration particulièrement intense avec le chanteur de SCARLEAN sur le titre Case 24135, modèle de Metal progressif, concis, acéré, littéralement porté par moments par un groove sec et rude. L’impact s’avère sévère, net et précis : ouch !
Il fallait bien un tel phénomène pour animer vocalement les compositions ô combien foisonnantes et versatiles de cet album. Même si la majorité des pistes affiche des durées très raisonnables – seul T.R.O.Y. approche les sept minutes, le dramatique The Other Face clôturant album après 7’26 hypnotiques -, chaque composition fourmille de ruptures, que ce soit en termes de rythme, de tempo ou d’ambiances. L’abattage impeccable de la section rythmique doit être souligné, qu’il s’agisse du jeu dynamique, dense, complexe, mais si incroyablement subtil du batteur Loïc MOUSSAOUI, ou des lignes de basse particulièrement solides et volubiles de Stéphane BEGUIER alias BEGSMAN. Sur une assise rythmique aussi solide que souple, le guitariste ZagZero peut en toute sécurité déployer les différents panels de son jeu. A la base du Metal, il y a le riff de guitare. Dans le cas présent, il va être tranchant, souvent grave (sans jamais égaler, et c’est heureux, le rendu ostensiblement pataud de John PETRUCCI au début des années 2000 !), toujours orienté vers l’efficacité, plutôt que vers la démonstration via des solos démonstratifs. Cela dit, quand le bonhomme part en solo, ça fuse et ça cisaille ! Pour autant, la variété de ses interventions rythmiques constitue une dimension essentielle dans le projet : que les apprentis shredders prennent ici leur leçon !
L’une des qualités principales de l’album réside à la fois dans la solidité et dans la versatilité de ses compositions. Tel un feu follet, le groupe navigue avec frénésie du Metal moderne le plus compact à des passages plus typiques du Metal progressif, voire à quelques plages plus apaisées et intimistes. La première moitié du morceau Dissociative Identity Disorder conduit même les quatre compères sur le terrain du Western à la Ennio MORRICONE, puis d’un Country Metal débridé, avant de retomber dans un Prog Metal tortueux et compact.
On ne s’ennuie aucunement en écoutant cet album, fortement marqué par un concept propre au projet AKPHAEZYA (je laisse à chacun.e le soin de s’y plonger sur la longueur des trois disques !). Certes débordant d’émotions et d’ambiances contrastées, ce disque s’avère néanmoins dénué de l’emphase qui plombe trop d’albums de Metal progressif (a fortiori conceptuels). Tout au plus peut-on regretter par moments des arrangements trop typés album conceptuel, notamment les voix parlées. Admettons qu’il s’agisse d’un élément incontournable de l’album conceptuel - il n’y a qu’à se référer à The Wall de PINK FLOYD, Seventh Son Of A Seventh Son d’IRON MAIDEN, Operation : Mindcrime de QUEENSRYCHE, Abigail, Them et autres de KING DIAMOND, Metropolis pt.2 : Scenes From A Memory de DREAM THEATER et tant d’autres... Ce type de dispositif occupe tout de même les deux tiers du titre conclusif The Other Face ; on peut comprendre la nécessité de mener à bien la narration, mais qu’on me permette de penser que, du point de vue de l’auditeur que je suis, cela brise ponctuellement la dynamique de l’ensemble.
Doté d’un son particulièrement détaillé et musculeux, ce troisième opus s’impose comme un excellent album de Metal progressif, particulièrement dense et varié, tout en demeurant cohérent dans sa réalisation. Reste à savoir si AKPHAEZYA connaîtra une suite… Dans le cas contraire, que chacun.e des participant.es soit salué pour sa prestation et rendez-vous dans d’autres projets !
Vidéo de Dissociative Identity Disorder : cliquez ici
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