Heavy francophone d'excellente facture
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Indubitablement, il se passe quelque chose dans l’Hexagone en matière de Heavy Metal chanté en français. Depuis la vague mythique, mais désormais fort lointaine du Heavy chanté dans la langue de Molière au début des années 80 (SORTILEGE, SATAN JOKERS, BLASPHEME, H-BOMB, ADX, DEMON EYES, HIGH POWER…), l’usage du français dans les musiques extrêmes semblait réservé aux groupes Neo et Fusion (NO ONE IS INNOCENT, LOFOFORA, MASS HYSTERIA, MALEMORT…) ou au Black Metal (DARKENHÖLD, AORLHAC, AU CHAMP DES MORTS, CEPHEIDE, CREATURES, GRIFFON, GRYLLE, HANTERNOZ, HYRGAL, LES CHANTS DE NIHIL, MALENUIT, PENITENCE ONIRIQUE, VEHEMENCE…). Seules quelques formations se distinguèrent quant à leur choix linguistique combiné au patrimoine Heavy Metal, à l’instar de MISANTHROPE, MALEDICTION ou MANIGANCE.
Même si l’usage, désormais maîtrisé, de la langue de Shakespeare demeure massivement majoritaire de nos jours dans le Metal français, on ne peut s’empêcher de relever les parutions récentes de groupes de Heavy Metal relativement classique ou traditionnel, pour autant pratiqué en français. Des noms : HERZEL, TENTATION, MEURTRIERES et, dorénavant SACRAL NIGHT qui, en dépit de son patronyme exprimé en anglais, s’exprime dans notre idiome national. Sûrement rédigée à l’étranger, la biographie officielle mentionne des groupes exclusivement étrangers. Ainsi, la frange complexe et ésotérique du Heavy Metal invoque les mânes de KING DIAMOND (pas amnésique, le chroniqueur ajoute d’autorité MERCYFUL FATE à la liste), et celles, nettement plus récentes de IN SOLITUDE et PORTRAIT. Pour rendre justice à ses pulsions plus extrêmes, les noms de TRIBULATION et de DISSECTION sont évoqués. Quand bien même il n’y aurait dans une telle énumération que de la qualité, voire de la noblesse, on ne peut manquer de relever l’amnésie stupéfiante par rapport à l’héritage initial francophone.
Certes, le Heavy Metal à la fois limpide, tranchant et animé par un souffle dramatique développé par SACRAL NIGHT justifie amplement l’évocation du tandem MERCYFUL FATE-DIAMOND KING - dont IN SOLITUDE et PORTRAIT représentent des émanations plus récentes. On aurait pu en outre solliciter les vibrations passées, émises dans les années 80 par VIRGIN STEELE, FATES WARNING (à ses débuts), WARLORD, GRIFFIN, sans oublier l’extraordinaire sens combiné de la concision et de l’emphase propre à JUDAS PRIEST avec ses albums Screaming For Vengeance (1982) et Defenders Of The Faith (1984). Prise séparément, chaque séquence d’un morceau de SACRAL NIGHT demeure relativement simple, avant tout tournée vers une efficacité à la fois mélodique et surtout rythmique, obéissant en cela aux préceptes du prêtre ultime ès Metal : JUDAS PRIEST. Tout l’intérêt du répertoire instrumental déployé par SACRAL NIGHT réside dans l’agencement de séquences rythmiques et mélodiques diverses au sein d’une même composition, dispositif créateur de pulsions dynamiques et dramatiques, appuyées par la puissance et la souplesse de la section rythmique. Parfaitement complémentaire, le tandem de guitaristes assure à merveille la répartition des rôles : des riffs tranchants parfaitement alignés (le guitariste rythmique Marc CRAPUD s’illustre par sa rigueur), des harmonies vivaces entre les deux collègues, des solos incisifs, fort bien construits sur les plans mélodique et technique de la part du soliste Aymeric MALLET. D’un point de vue instrumental, SACRAL NIGHT s’illustre tout à la fois par sa rigueur rythmique, par son sens de l’éloquence dramatique et par sa capacité à animer des formats somme toute majoritairement concis ; hormis le bref Par-delà les lueurs sépulcrales, les compositions demeurent certes concises, mais recèlent en leur sein nombre de ruptures de rythmes et de tempos, lesquelles assurent une animation dynamique permanente.
Etant établie la qualité impeccable du versant instrumental, du moins au regard des canons du Heavy Metal des années 80, il s’avère par ailleurs que SACRAL NIGHT manie à la perfection la langue française, dans le cadre d’un Heavy Metal à la fois concis et cinglant, structurellement relativement complexe et exigeant, et travaillé par des pulsions dramatiques à la fois universelles et uniques, de par leur expression en français, langue qui à la fois prouve sa compatibilité avec le Heavy Metal, et acte un particularisme linguistique, profondément lié à la musicalité spécifique à des lignes de chant en français.
A ce propos, il faut souligner l’énorme travail développé autour du chant. Non pas que le chant nerveux, néanmoins clair, proposé par Antoine VOLHARD pose le moindre problème en termes de justesse, de modulation, de puissance. Seulement, SACRAL NIGHT souhaite ostensiblement aller plus loin que le Heavy Metal rutilant et splendide, forgé par JUDAS PRIEST et IRON MAIDEN dans la première moitié des années 80. Voulant dans un même mouvement se distinguer et s’ancrer culturellement, SACRAL NIGHT joue à fond sur son identité vocale. A savoir des lignes de chant majoritairement claires et puissamment investies et modulées. A quoi s’ajoutent des harmonies et des chœurs qui n’ont de cesse que d’amplifier les ambitions fantastico-mythologiques des paroles. Les auditeurs étrangers à la langue française n’entendront qu’une maîtrise vocale à la QUEENSRŸCHE première manière ; les locuteurs francophones ne manqueront pas d’évoquer la fraternité d’expérience avec SORTILEGE, BLASPHEME, ADX et autres combos des années 80 ayant trait au fantastique.
Assurant brillamment un trait d’union entre, d’une part la francophonie métallique et d’autre part l’univers Metal très majoritairement anglophone, SACRAL NIGHT balise dès le second album un domaine fièrement déterminé, lequel impose d’ores et déjà une attention particulière. Partant du principe - et de la fierté – d’un chant francophone, qui plus est compétent et complexe -, SACRAL NIGHT peut à la fois tailler sa route en matière de Heavy Metal classique, à tendance épique, et prétendre, faisant fi de la barrière linguistique, à intégrer la ligue exigeante des formations adeptes d’un Heavy Metal dramatiquement complexe. Diantre, que cela fait du bien !
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