Métal Intégral - Chronique / LORD VIGO

Révolution gothique

Depuis ses débuts discographiques en 2015, ce trio allemand n’a jamais cessé d’aller de l’avant, forgeant un Doom Metal épique de plus en plus affûté. Avec ses quatrième et cinquième album (Danse de noir, 2020, We Shall Overcome, 2022), le groupe se risquaient même à une trilogie dystopique. Histoire de ne rien faire de trop prévisible, Walk The Shadows ne clôt pas cette trilogie (sera-t-elle close un jour ?) et comporte huit compositions n’ayant aucun lien thématique en commun.

Par contre, sur le plan stylistique, LORD VIGO propose un front uni et cohérent, lequel ne va pas manquer de faire jaser, voire de faire hurler les fans de la première heure. A titre de comparaison, cela me rappelle les dizaines de groupes de Death ou de Doom qui, dans les années 90, avaient opté pour le Rock gothique. Dans le cas présent, LORD VIGO a effectivement décider de se tourner massivement en direction de la New Wave la plus sombre (JOY DIVIVION, THE CURE, Siouxsie AND THE BANSHEES…) et du Rock gothique précurseur (SISTERS OF MERCY, BAUHAUS, FIELDS OF THE NEPHILIM). On pourra citer THE CULT (période Love), groupe qui a suivi un chemin inverse, passant de la froideur au Hard Rock binaire. Le Rock héroïque des début de U2, ainsi que, quoique plus ponctuellement, des postures si typiques de cette charnière 70’s-80’s (SIMPLE MINDS, TEARS FOR FEARS) peuvent apparaître en filigrane de certaines parties.
Dans la chronique de We Shall Overcome (cliquez ici), j’avais certes comparé une partie de la prestation vocale sur cet album avec celle du chanteur d’ULTRAVOX. Pour autant, je n’aurais pas parié sur un franchissement aussi massif, faisant basculer le groupe hors de la sphère du Metal !

S’il est évident que les trois complices de LORD VIGO ont délibérément voulu impulser une mutation, le fait est qu’il y avait des signes avant-coureurs, notamment ce chant plaintif. Même si les rythmiques comprenant une caisse claire sèchement frappée tiennent le haut du pavé (exemple sur Through A Glass Darkly), le groupe ne choisit pas forcément la ligne droite, les formats relativement généreux (entre cinq et six minutes) permettant de caler des breaks salutaires.
Assez logiquement, le recul des guitares Metal se trouve compensé par des lignes de basse métalliques et nerveusement tendues, les guitares se chargeant d’agencer des riffs acérés et de poster judicieusement des inserts aux mélodies troubles.
Par contre, dans sa volonté d’évoquer la face sombre d’un certain Rock de la fin des 70’s et du début des 80’s, le groupe s’est cru obligé d’adopter des sonorités de claviers vintage, lesquelles sonnaient à la pointe du modernisme à l’époque, mais sonnent assez pauvrement de nos jours.

Comme soucieux de sa capacité à faire preuve d’audace, LORD VIGO s’est réservé une pièce magistrale (12’25 tout de même !) en fin d’album : Al Hakim. Evidemment, une telle durée permet de déployer aussi bien du Doom que du Heavy Metal épique. Le trio choisit de demeurer fidèle à sa nouvelle orientation, avec des plages imbriquées les unes dans les autres, installant des ambiances hypnotiques. Véritable fil rouge de ce monument authentiquement épique, la guitare solo propose des inserts foncièrement mélodiques ; mutatis mutandis, cela me rappelle les meilleurs albums du guitariste Steve HILLAGE (ex-GONG) qui, dans les années 70, proposa des pièces longues et ambitieuses, électrisées par sa Stratocaster. Foin de comparaisons, Al Hakim s’impose définitivement comme la pépite de l’album.

Il y a deux possibilités concernant ce disque, certes déroutant de prime abord : le refus ou l’acceptation. Les écoutes successives révèlent le caractère attachant des compositions, LORD VIGO ayant réussi à insuffler le côté épique, issu du Metal, dans sa nouvelle orientation gothique. Pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut faire preuve d’ouverture d’esprit et faire l’effort de découvrir cette nouvelle recette.

Vidéo de Walk The Shadows : cliquez ici

COMMENTAIRES DES LECTEURS Vos commentaires, vos remarques, vos impressions sur la chronique et sur l'album Pour pouvoir écrire un commentaire, il faut être inscrit en tant que membre et s'être identifié (Gratuit) Devenir membre de METAL INTEGRAL
Personne n'a encore commenté cette chronique.