Dossier :
Un entretien avec... Tarja TURUNEN
(
TARJA
)
Date de publication : 18/07/2013
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Auteur : metalmp
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Entretien avec Tarja TURUNEN (TARJA) réalisé par Metalmp pour METAL INTEGRAL à Paris le 14 juin 2013.
METAL-INTEGRAL : Tarja, My Winter Storm est paru en 2007, What Lies Beneath en 2010 et tu publies cette année, en 2013, Colours In The Dark. Un nouvel album tous les trois ans, c’est un rythme de croisière ou est-ce dû à tes autres activités, concerts, projets parallèles… ?
Tarja TURUNEN : C’est en fait assez naturel. Tourner pour chacun de ces albums prend environ deux ans, et quand je suis en tournée, je ne peux vraiment pas écrire de nouvelles chansons. J’enregistre beaucoup d’idées, ce que j’ai vu, qui j’ai rencontré, ce qui s’est passé pendant les voyages et sur la tournée aussi. Les idées sont nées, mais je n’ai vraiment pas assez d’énergie pour en tirer des chansons. Chaque fois que je suis à la maison, que j’ai mon équipement, j’en écris, entre les tournées. C’est devenu un rythme : deux années de tournée, après la sortie de l’album puis je prends un peu de temps pour écrire de nouvelles chansons. Ça demande beaucoup de temps, en effet. J'ai également d’autres activités : en tant que chanteuse lyrique, j’ai d’autres projets, mais les tournées rock prennent beaucoup de temps.
METAL-INTEGRAL : Quelle est la signification du titre de ce nouvel album « Colours In The Dark » (des couleurs dans l'obscurité) ?
Tarja TURUNEN : Cela a tout à voir avec ma vie actuelle, en réalité. Ces dernières années, il m’est arrivé tant de choses, tant dans ma vie privée que professionnellement. Tout cela m’a transportée dans un superbe lieu, où je me trouve dans une position vraiment confortable. Je me sens simplement…libre. Tout le processus de cet album a été tellement plus facile qu’avant. Bien sûr, il y a un processus d’apprentissage mais tout est venu tellement naturellement. Même ma voix est plus naturelle que jamais. Pourtant, j’ai travaillé plus que jamais ces dernières années. Il y a un processus d’apprentissage de toutes ces expériences, qui évidemment ont un impact sur mon art, puisque ça m’affecte directement. Cet album est très personnel… Tu vois, les couleurs de la pochette sont très fortes, lumineuses, et c’est ce que je ressens. J’ai rencontré de superbes personnes, j’ai entendu tellement d’histoires… Tout cela, je le vois comme des couleurs.
METAL-INTEGRAL : Tu considères également que tu as été dans la pénombre un certain temps ?
Tarja TURUNEN : Elle m’accompagne toujours un peu, cette pénombre. Je ne sais pas pourquoi, mais j’adore cet aspect. Peut-être que ça vient du lieu où je suis née, où j’ai grandie en Finlande, la manière dont j’ai été impliquée dans le métal, ce qui est arrivé très soudainement. Je n’avais rien à voir avec le Métal avant le groupe mais j’y étais très ouverte. J’écoutais du rock mais ce n’était pas ça. C’était mélodique, puissant, plein d’harmonie et de belles couleurs – à cette époque, avec le groupe. Et je m’y sentais bien, alors, « oui, c’est ce que je fais ». Alors oui, ce côté sombre qui influe ma manière d’écrire aujourd’hui est une partie de moi. Et je ne veux pas m’en défaire, vois-tu ?
METAL-INTEGRAL : C’est aussi ce qui participe à ta créativité, j’imagine…
Tarja TURUNEN : Tu sais, j’habite dans un immeuble vraiment très haut, à Buenos Aires. C’est une grande ville, bruyante. Quand le soir arrive, que le soleil se couche, je commence à apercevoir les vraies couleurs des autres bâtiments. Chaque soir, je regarde une nouvelle peinture à travers mes grandes vitres. J’aime vraiment ce décor qui n’est jamais le même. C’est aussi un moment où le calme revient, tout ralenti et ça me calme aussi. C’est un moment pour penser à soi, et c’est une très bonne chose.
METAL-INTEGRAL : Parlons maintenant de l’album. Victim Of Ritual, qui ouvre l’album, regroupe selon moi tout ce qui fait TARJA. On y retrouve du classique, avec le Boléro de Ravel, du Métal, des influences hispaniques... Considères-tu cette chanson introductive comme une présentation de ce que tu es ?
Tarja TURUNEN : Elle représente beaucoup qui je suis. J’adore les aspects théâtraux d’une chanson. C’est un vrai challenge d’écrire une chanson comme celle-là. Il m’a fallu énormément de temps pour trouver le morceau classique qui ouvrirait cette chanson, pour trouver cette version du Boléro. Quand enfin c’est arrivé, je me suis dit : « waoh, ça peut me mener très loin ». Il y a tant d’énergie, de mystère… C’est une super chanson pour ouvrir cet album. Et c’est l’histoire de victimes d’un rituel. J’ai vu tant de personnes vivre avec un rituel qui parfois peut leur être néfaste, mais qui n’arrivent pas à s’en défaire. Peut-être ai-je aussi un rituel, sans doute dois-je faire quelque chose avant un spectacle sinon ce sera un désastre. En réalité, pour que je me sente confiance, je me répète. C’est devenu une habitude, de répéter certaines choses.
METAL-INTEGRAL : 500 Letters est plus directement rock, tandis que Lucid Dreamer me rappelle… En fait, cette chanson m’effraie. Elle m’évoque une fête foraine. Je suis comme un enfant ayant égaré ses parents…
Tarja TURUNEN : Oh, mon dieu !
METAL-INTEGRAL : : …et la nuit tombe. J’avance en regardant tous ces manèges étranges, j’entends cette musique bizarre ; un peu comme Pinocchio juste avant qu’il ne se transforme en âne.
Tarja TURUNEN : C’est si génial de t’entendre dire ça ! C’est exactement ce que je cherche à faire, peindre des images...et c’est ce que je fais. J’adorerai avoir la possibilité, un jour, d’écrire pour le cinéma. Je crois que ça me serait assez facile, parce que c’est ce que je fais dans mes chansons. Je travaille avec plein de personnes qui ne travaillent que sur des musiques de film, pour Hollywood. Bien sûr, elles m’influencent. Lucid Dreamer est comme une sorte de rêve séquencé, comme je la définis. La chanson se transforme pour aller dans un autre monde. C’est un rêve. Ou un cauchemar, au choix. J’aime jouer avec tous ces sons, les écarter totalement de la chanson. J’aimerai pouvoir être une rêveuse lucide, pouvoir contrôler mes rêves. Certains y parviennent. C’est ce qui m’a inspiré. Mais comment peut-on contrôler ses pires cauchemars ? Et ma fille crie dans cette chanson. C’est elle qui t’effraie ! (rires)
METAL-INTEGRAL : Mystic Voyage me rappelle quelque peu RUSH…
Tarja TURUNEN : Intéressant… J’aime beaucoup ce groupe, mais plus encore que RUSH, enfant, j’écoutais beaucoup GENESIS. C’est une chanson que j’ai écrite il y a plusieurs années, avant What Lies Beneath. Mais elle n’était pas prête, et je l’ai mise de côté, pour qu’elle mûrisse. Elle parle de mon voyage. Comme je te le disais, j’ai tellement voyagé… Maintenant, je suis imprégnée d’une tout autre culture, argentine. C’est une chanson qui traite du fait de vivre dans une autre culture. Et aussi, je voulais écrire des paroles en finnois, en anglais, en espagnol. C’est moi, c’est ce que je fais aujourd’hui. La plupart du temps… C’est une belle chanson.
METAL-INTEGRAL : Deliveranceme rappelle James BOND. Il y a ce thème qui revient régulièrement…
Tarja TURUNEN : James BOND a été une influence , comme sur Deliverance, par exemple. J’aime le cinéma en général. Mais j’aime encore plus James BOND (rires)
METAL-INTEGRAL : Quel interprète de James BOND préfères-tu ?
Tarja TURUNEN (comme une évidence, avec un large sourire, le regard pétillant et une voix toute douce) : Sean CONNERY.
METAL-INTEGRAL : Never Enough et Into The Sun avaient été présentées à ton public lors de ta dernière tournée, et aux fans sur le CD/DVD Act 1. Ces chansons ont donc été écrites il y a déjà quelques temps…
Tarja TURUNEN : En effet, ça remonte au moment où j’ai entamé la composition de cet album, en fait. Il a fallu deux ans et demi pour finir de l’écrire. Never Enough… Je voulais avoir une chanson énergique pour le concert, mais j’avais l’impression que Never Enough ne serait pas prête pour la tournée. Je voulais avoir du plaisir avec les gens, leur présenter un titre du futur album. J’avais besoin de travailler encore plus dessus, au niveau des guitares. Alex a fait un énorme travail dessus, les a rendues encore plus agressives, à l’image des paroles.Les fans seront peut être choqués d’écouter la différence… Une chanson est écrite, elle a déjà été jouée, alors comment on se sent quand on en découvre une version radicalement changée ? C’était difficile, mais ça apporte de la fraîcheur. Une fraîcheur qu’on a besoin de retrouver.
METAL-INTEGRAL : Colours In The Dark sort au mois d’août. J’imagine qu’une nouvelle tournée est également en préparation…
Tarja TURUNEN : Bien sûr, elle commencera au mois d’octobre.
METAL-INTEGRAL : Et que nous réserves-tu comme surprises ?
Tarja TURUNEN : Je n’ai pas eu assez de temps pour en discuter avec mon équipe, avec les musiciens, les mêmes qu’avant. Je les surnomme le Power group ! Ils me manquent vraiment tous. J’ai travaillé avec Mike TERRANA ces derniers mois…
METAL-INTEGRAL : La bête…
Tarja TURUNEN (rires) : Oui, la bête. Mais tous me manquent. J’ai été assez seule dans la production de cet album. Les gars ont enregistré il y a déjà quelques temps et n’ont écouté le résultat final il y a quelques jours à peine. Ils ont réagi… « Oh, femme ! Qu’as-tu fait de cette chanson ??? Oh, mon Dieu ! » Ils sont si contents du résultat, c’est incroyable ! Entre le moment où elles sont enregistrées et celui où elles sont arrangées, les chansons changent radicalement. Je travaille dessus jusqu’à ce que tout y soit, le moindre détail. Je rajoute les couleurs après coup. On démarre donc en octobre par l’Europe centrale, deux ou trois semaines, puis nous ferons une pause. J’ai de nouveau une tournée de Noël à la fin de l’année, puis on reprendra la tournée en début d’année. En comptant tous les breaks, elle prendra fin en 2015.
METAL-INTEGRAL : 2013 + 3…Cela signifie un nouvel album pour 2016
Tarja TURUNEN : Exactement ! J’ai déjà de nouveaux titres prêts, d’ailleurs !
METAL-INTEGRAL : Avec qui rêverais-tu de pouvoir travailler ?
Tarja TURUNEN : C’est une question facile… Je l’ai dit et répété depuis des années déjà. Je n’avais jamais cru être capable de pouvoir reprendre une chanson de Monsieur Peter GABRIEL, ce que j’ai fait avec Darkness. J’adore cet artiste et j’admire son travail. Travailler avec lui serait vraiment transformer un rêve en réalité… Un jour, peut-être…
METAL-INTEGRAL : J’ai remarqué que sur tes deux derniers albums – Act1 et Colours In The Dark – la présence de lignes droites reliant différents points ou lettres. Ça me fait penser à une toile d’araignée. Quelle est la signification de ces lignes ? Doit-on comprendre que tu cherches à attirer tes fans dans cette toile d’araignée afin de les manger tout cru ?
Tarja TURUNEN (éclatant de rire) : Mais à quoi tu penses ? ! ? Non ! Je n’ai jamais vu les choses sous cet angle…C’est vraiment intéressant de parler avec toi ! Tu es très… imaginatif ! C’est pour ça que j’aime discuter avec les gens, avoir leur retour, leurs impressions. Je travaille avec le même designer depuis My Winter Storm. On a muri ensemble avec le temps. Ces points et lignes ont été présents depuis quelques temps. Ce n’est pas évident pour lui car je ne lui laisse pas beaucoup de liberté d’action. J’aime la photo, et j’adore regarder des images fortes. En ce sens, le designer n’a pas beaucoup de champs libre pour ce qui est de l’artwork. Les lignes font partie de son monde. Et elles reviendront sans doute…
Je tiens à remercier Tarja pour sa gentillesse, sa disponibilité et sa spontanéité- tout le contraire d'une diva capricieuse - et Olivier GARNIER qui a rendu cette interview possible en toute dernière minute !
Retrouvez la chronique de Colours In The Dark dans notre rubrique... Chroniques (étonnant, n'est-ce pas?) et Bonnes vacances à tous !
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