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La perle noire du doom conceptuel
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Cinquante ans et deux jours après Master Of Reality de BLACK SABBATH, je ne peux que constater à quel point la scène obscure et métallique que les maîtres ont inspirée est aujourd’hui encore une intarissable source de créativité. Ce premier album de CAVERN DEEP en est le vivant témoignage. Non, je ne dirai pas que Cavern Deep est un album brillant car il s’agirait d’un infâme oxymore. Il s’agit au contraire du plus ténébreux album que j’ai entendu cette année, une perle noire, un joyau abyssal.
Le groupe nous invite à suivre une expédition archéologique descendue sous terre par d’interminables escaliers, ravins, corniches et aqueducs. Ruines d’une antique civilisation, mystérieux œufs éclos, faune prédatrice, champignons suceurs d’âmes, gouffres sans fond, obscurité palpitante de vie, ancien dieu cloîtré, rien n’est épargné au groupe d’explorateurs dont les rangs se feront impitoyablement décimer au fil d’une histoire que ne renierait pas H.P. Lovecraft.
Pour sublimer ce concept, la musique aux sombres mélodies est chargée d’atmosphères génératrices de fortes images. Je sens l’humidité poisseuse de l’air, la terre glaise qui colle à mes semelles, sur ma nuque les gouttes d’eau glacées qui suintent de la voute, ou dans mon nez les effluves saturées de moisissures. Les rythmiques sont particulièrement lourdes et lentes, les distorsions des guitares sont palpables, les voix graves et caverneuses ou plus hautes et plaintives traînent, les riffs sont hypnotiques. Le tout est enrichi par un mixage glauque, exhausteur de frissons, où même les silences bourdonnent – bonjour l’ambiance !
Les huit plages de l’album s’enchaînent à merveille, toutes sont pétries d’un stoner doom augmenté de psychédélisme pour une plus grande force d’attraction sur les esprits. Aucun titre n’est à mettre de côté, chacun recèle des trouvailles qui me laissent pantois. En voici quelques exemples : - Staring Down, le titre d’ouverture, est très malin. Sans en avoir l’air, par petites touches, il me prends là où je suis et finit par m’embarquer dans l’univers de l’album. - Introduit par un orgue d’église, l’angoissant Abandoned Quarters alterne un riff bien écrasant avec des phases minimalistes chargées d’écho. - L’obscurité se laisse parfois déchirer par un solo de guitare où chaque note compte, de facture très gilmourienne comme au début d’Ominous Gardens. - Waterways et son intro exécutée à l’infra-basse, par je ne sais quel miracle, aboutit à ce refrain majestueux aux dimensions hymniques. - Le quasi-instrumental Deeper Ground avance lourdement sur un riff de pur doom metal, jusqu’à la lamentation finale - deeper!- un seul mot, un cri qui se charge de sens. - Fungal Realm me berce dans une houle psychédélique pour mieux me cueillir par son final ébouriffant avec basse et guitare toujours aussi lentes mais de plus en plus puissantes devant la double grosse caisse qui martèle à n’en plus finir.
Cette entrée en matière des trois suédois est digne des premiers pas de BLACK SABBATH, de TROUBLE ou de CANDLEMASS. CAVERN DEEP signe ici un premier album sans faute, à l’identité prononcée, à l’indéniable créativité - l’un des plus sombres joyaux que le rock ait enfanté.
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CAVERN DEEP est composé de : - Kenny-Oswald DUVFENBERG : guitare, chant ; - Max MALMER : basse, chant ; - Dennis SJÖDIN : batterie, chœurs.
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- Cavern Deep, l’album complet en streaming : Cliquez ici
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