GRAVE DIGGER - Bone collector
Style : Heavy Metal
Support :
MP3
- Année : 2025
Provenance du disque : Reçu du label
11titre(s) - 47minute(s)
Site(s) Internet :
GRAVE DIGGER WEBSITE
Label(s) :
Rock Of Angels Records
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(20/20)
Date de publication : 19/01/2025
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'bone collector' est un cyclone qui nous taloche et qui nous laisse littéralement bouche bée.
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« La vie est la voie de la mort, la mort est la voie de la vie. »
Cet adage bien connu est d’une vérité absolue, puisque l’existence suppose une fin. Néanmoins, dès lors que nous savons que nous sommes toutes et tous doté(e)s d’une date de péremption, cela nous permet de profiter plus intensément du temps qui nous est imparti. Ainsi, bien que la mort soit un grand saut dans l’inconnu, ce savoir nous rend plus humble face à cette inévitable transmutation de la matière et la Grande Faucheuse nous paraît soudainement moins effrayante. Pour le quidam qui suit un chemin spirituel et connaît, de facto, le principe de l’impermanence de toute chose ou pour l’individu qui a déjà traversé le voile de l’au-delà temporairement lors d’une EMI, la Moissonneuse d’Âmes n’est juste qu’une accompagnatrice qui veille sur nous jusqu’à ce nous arrivions à bon port dans notre véritable demeure. Il suffit de lui tendre la main lorsqu’elle nous interpelle au moment où nous devons le faire et elle se fait immédiatement agent de voyage en organisant l’intégralité du trajet de notre port d’attache jusqu’à l’ultime escale de notre croisière alchimique. Pour certain(e)s, cette odyssée homérique est d’une nature horrifique, leur terreur de la néantisation de leur être relevant souvent d’une phobie maladive quasiment incontrôlable et pourtant justifiée par une soif d’expérimenter éternellement la substance, ce qui en soi est d’un naturel implacable, pourtant une condition impossible. Ils, elles ou iels en viennent souvent à nier leur statut d’êtres putrescibles en se la jouant immortel(le)s et omettent par conséquent les principes de précaution de base en se mettant ponctuellement dans des situations périlleuses qui leur font d’ordinaire perdre prématurément leur longévité. D’autres, a contrario, sont tellement pétrifiés d’effroi qu’ils, elles ou iels évitent volontairement toute situation pouvant mettre leur essence en danger, notamment en restant prostrés dans le confort trompeur de leur demeure, véritable parcours du combattant qui nécessite régulièrement d’être un(e) ninja surentraîné(e) face aux obstacles routiniers qui peuvent s’avérer subtilement fatals pour ceux, celles et ceulles qui se croient à l’abri de l’Encapuchonnée dotée d’une faux. La seule échappatoire possible est celle de croire en sa bonne étoile tout en ayant à l’esprit que tout est évanescent, y compris sa propre réalité. Pour ne pas trop réfléchir à cette destinée peu désirable, il y a aussi la possibilité d’écouter du metal, seul style musical évoquant ouvertement cette nuit abyssale qui guette tapie dans un bosquet prête à sauter sur n’importe qui quand il, elle ou iel ne s’y attend pas. Principalement les groupes de heavy, comme GRAVE DIGGER, qui nous préparent à cette vérité toujours aussi dure à encaisser.
Dans le cas des natifs de Gladbeck, ce sujet n’est pas que textuel, il est aussi patronymique et graphique. La Mort est un thème récurrent chez les allemands qui ont été parmi les premières formations européennes à représenter ce personnage mythique du squelette vêtu d’une coule, pèlerine gallo-romaine devenue tenue monastique durant la période médiévale. Ce portrait métaphorique du psychopompe n’est pas si ancien que cela, prenant son origine durant la peste noire aux alentours de 1660. Des villageois auraient aperçu un macchabée décharné se mouvoir fantastiquement, lévitant comme un fantôme au-dessus des blés, paré de sa cuculle, et d’un outil tranchant ressemblant à s’y méprendre à une serpe surmontée d’un manche en bois d’où émanaient d’étrange fumerolles, « sources » de l’épidémie européenne. C’est ainsi que le groupe de Chris BOTENDAHL et Peter MASSON, respectivement chanteur-bassiste et guitariste, ont eu la lumineuse idée de s’inspirer du monde sépulcral pour nommer leur formation d’après un métier toujours très en vogue actuellement, celui de fossoyeur, durant le mois de novembre 1980, soit après la Toussaint et les Défunts, deux célébrations funestes collant parfaitement au concept des deux instrumentistes. Toutefois, ce n’est qu’en 1993 que la version contemporaine de la Parque devint la mascotte du quatuor alors composé de Uwe LULIS à la six-cordes, de Tomi GÖTTLICH à la basse, de Jörg MICHAEL à la batterie et, bien évidemment, du géant à la voix rauque, Chris BOLTENDAHL, toujours présent dans les rangs. C’est à partir de la pochette de The Reaper, sorte de gravure d’autrefois, que la Débroussailleuse Létale deviendra la mascotte de GRAVE DIGGER et apparaîtra sur tous les opus du combo, principalement sur les enregistrements qui la mettent réellement en valeur, comme Heart Of Darkness, The Grave Digger ou Return Of The Reaper.
En ce mois de janvier 2025, nos voisins germains nous offrent une nouvelle fois l’opportunité d’admirer la grandeur de l’entité ténébreuse qui s’amuse à moissonner les paroissiens dans la force de l’âge ou l’hiver de leurs pérégrinations. Cette fois, elle a le cul vissé sur un trône en acier forgé, tel un clin d’œil à Liberty Or Death, mais placé dans un décorum digne d’un film d’horreur des sixties, un cimetière perdu dans une nuit sans fin où seuls les croassements de corvidés affamés de chair humaine retentissent par delà le silence assourdissant des tombes sculptées en sus des craquements des momies décharnées ceinturant la sommité implacable du centre de la pochette réalisée, une fois n’est pas coutume, grâce à l’intelligence artificielle par Wanderley PERNA, artiste brésilien qui s’était préalablement attaqué à l’artwork de Symbol Of Eternity. Ainsi, nous avons l’insigne honneur de faire connaissance avec le Bone Collector. Bien qu’il ait été un gimmick impossible à ignorer dans la discographie du groupe, le collectionneur de dépouilles demeure un membre éminent de la troupe de ménestrels qui pointe parfois le bout de sa lame tranchante sur scène, ce qui en fait une figure bien réelle et menaçante. Bone Collector est un album pivot dans le répertoire du quatuor, ceci à plus d’un titre. Outre le départ d’Axel RITT (JÄST, ex-DOMAIN) et son remplacement par Tobias KERSTING (CHRIS BOLTENDAHL’S STEELHAMMER), ce dernier né phonique marque aussi un changement de cap musical. Fini les exploits à rallonge des cornemuseurs ou des paladins, et un son devenu beaucoup trop « progressif ». Désormais, il faudra compter sur des morceaux plus robustes et sombres qui se concentrent exclusivement sur des contes fantastiques, des faits d’actualité ou des récits plus ou moins personnels.
Et c’est l’éponyme Bone Collector qui a l’exclusivité, bien évidemment, d’ouvrir la danse macabre. Son introduction donne littéralement la chair de poule, tant elle rappelle les fonds sonores malaisants des systèmes d’alertes enlèvement en France et d’urgence nationale aux USA. Celle-ci agit comme un branle-bas nous incitant à rester méfiant(e)s, l’épée de Damoclès n’étant suspendue qu’à un fil au-dessus de nos bobines chevelues. Fort heureusement, cette mise en garde se dissipe rapidement tel un brouillard épais fendu par la carrosserie reluisante d’un bolide flamboyant à minuit tapant. Les douze coups de l’horloge poussiéreuse contre le mur du boudoir dans le manoir hanté renforçant concrètement cette sensation d’achèvement qui nous pend au tarin. Très vite, nous avons droit à un morceau de choix, dans la droite lignée des bulldozers King Pest, Valhalla ou The Reaper. Ce retournement de situation après des années de relatif adoucissement est un plaisir absolu qui redonne la pêche après le ralentissement des fêtes de fin d’année, un peu comme le rhum dans le tonnelet d’un Saint-Bernard ou, mieux encore, tel le whisky estampillé GRAVE DIGGER dans les bouteilles de la distillerie Saint Kylian. Les mélodies millésimées de Bone Collector poussent inévitablement à la chansonnette, surtout sur le refrain scandé, et le tempo enlevé nous amène tout droit dans une course effrénée pour fuir ce qui est de toute façon inévitable selon les mots de Chris BOLTENDAHL, puisque nous subissons toutes, touTEs et tous le despotisme du Faneur sapé de sa cape, peu importe notre catégorie sociale, notre couleur de peau ou notre sexualité. C’est d’ailleurs le sujet de The Rich, The Poor, The Dying, sorte de pamphlet humanitaire qui dénonce l’arrogance des plus fortunés face au dénuement de la masse consommatrice, deux mondes aux antipodes l’un de l’autre et qui, pourtant, connaissent le même sort au bout du compte, face à la sentence d’une justice divine juste et équitable. Là encore, une cantilène galopante qui ne décélère pas d’une seconde, le sentier vers le néant étant une pente descendante qui ne s’arrête onc. Nous retrouvons les gimmicks guitaristiques typiques du Creuseur de Tombes, c’est à dire des riffs syncopés recouvrant des mélodies aisément mémorisables et des soli proches de ceux écrits naguère par Axel RITT, pédale wah-wah vissée à la patte, histoire de faire un lien concis entre passé et présent.
D’ailleurs, diligence et pugnacité sont les apophtegmes de Bone Collector, car cet enregistrement studio ne peut se définir que par la prestesse et la combativité dont font preuve la totalité des ritournelles. Nulle, ou presque, n’échappe à ce bellicisme ambiant ou à ce sprint permanent. Bone Collector est un véritable marathon de gravité et de pesanteur qui retient le ou la starets qui l’écoute en le ou la gavant de notes addictives et de métriques hypnotiques. Le premier single, Kingdom Of Skulls a plus l’air d’une déclaration de guerre mondiale qu’à une balade guillerette de hippies sous LSD. Cette troisième piste est redoutable, aussi hostile que la camarde elle-même, dont elle est l’invocation parfaite, sorcière et pentacle faisant le boulot sous la lumière intime des bougies noires dans le clip qui lui est dédié. A l’instar du Hell Funeral dont il est le pendant récent et plus classe. Comme quoi, GRAVE DIGGER sait y faire avec les vidéos à petit budget qui font toujours un effet bœuf. A l’opposé, nous avons The Devil’s Serenade qui, malgré ses apparences méphistophéliques est en réalité un hymne sémillant pour les fans les plus assidus qui aiment pogoter dans le pit dans les festivals. Bien que nous y retrouvions des allégories diaboliques, il s’agit en fait de catachrèses décrivant l’ambiance dans les grand messes que sont les concerts de GRAVE DIGGER, où règne un climat généralement bon-enfant. Ce qui se ressent beaucoup dans cette cavatine ensoleillée, judicieusement placée vu la suite du programme. Killing Is My Pleasure, en seconde position dans la promotion visuelle du groupe, revient subito a quelque chose de plus granitique et véhément, nonobstant le sujet spinescent de la criminalité qui semble être récurrent chez GRAVE DIGGER (Kill Ritual, Road Rage Killer, Fanatic Assassins, Murderer). Cette pièce métallique s’élance sur un mur de grattes à la Giant avant de laisser place aux autres instruments pour ce qui s’avère être le point culminant de ce Bone Collector souverain. Célérité, prépotence et vigueur dominent ce pont-neuf respectable.
Néanmoins, c’est la deuxième partie de ce 22ème opus qui est la plus captivante, pas tant en terme de refrains inoubliables que d’apport de légères nouveautés, comme sur Mirror Of Hate où Chris BOLTENDAHL descend encore plus dans les abysses des notes les plus graves pour nous offrir quelques « growls » entre les couplets, mais aussi sur le pré-refrain où il se répond à lui-même comme un écho de sa propre personnalité ou de celle du personnage qu’il incarne en pleine confession des souffrances qu’il a infligées à autrui. Bien que l’aura de Circle Of Witches se fait sentir dans les moments les plus « calmes » de Mirror Of Hate, c’est plutôt du côté de Son Of Evil que la complainte se situe, alors que Riders Of Doom louche sur Clash Of The Gods et son mid-tempo, la majeure partie de l’antienne demeure cependant très solaire à l’image d’un Power Of Metal ou d’un Highland Farewell malgré sa trame apocalyptique. Le dernier carré démarre avec le calme trompeur de Made Of Madness, son pédalage thrashy et ses pincées de black metal à la six-cordes, une démonstration de branlage de manche exaltant, pour une aubade schizophrénique, sise idéalement à un moment clé du CD. Graveyard Kings et Forever Evil & Buried Alive enfoncent les clous dans le cercueil avec deux sprints ultimes qui coiffent irrémédiablement Usain Bolt au poteau, tant le record du 100 mètres est battu avec Marcus « Flash Gordon » KNIEP et Jens « Quicksilver » BECKER qui font passer l’athlète jamaïcain pour un retraité en déambulateur avec leurs go-fast millimétriques ou la plus récente des Lamborghini pour la plus nonchalante des guimbardes sur l’A63. Ces deux Shinkansen nous faisant battre le palpitant à 500 km/h dans le but avoué de nous faire grimper au rideau avant la pseudo-balade Whispers Of The Damned qui clôt ce Bone Collector survitaminé avec le panache de Cyrano et un flegme shakespearien, telle la berceuse Nothing To Believe sur Return Of The Reaper, cependant avec plus d’euphorie et de distinction.
Pour épilogue, il est nécessaire d’avouer que Bone Collector est une agréable surprise. Cet opus ne risque pas de chambarder le genre stylistique dans lequel GRAVE DIGGER évolue. Mais, chose vitale, il redonne un nouveau souffle à la musique des teutons qui, depuis plus d’une décennie, surnageait dans des schèmes antiques, moyenâgeux et révolutionnaires récurrents. Bien évidemment, dans l’intervalle, le trio de choc The Return Of The Reaper, Healed By Metal, The Living Dead avait fait office de bouffée d’air pur pendant les cours d’Histoire-Géo du professeur BOLTENDAHL, comme une récréation prolongée qui nous avait permis de nous défouler avec des compositions plus ordinaires et taillées pour la scène. Switcher de guitariste semble avoir été bénéfique pour le collectif saxon. Cela lui a permis de débroussailler le terrain pour découvrir de nouvelles idées et revenir aux bases du heavy metal. Bone Collector aborde un virage à 180°C, qui a été initié par un single 2 pistes indépendant, The Grave Is Yours, début 2024, qui présentait déjà cette refonte impérative au travers de l’éponyme The Grave Is Yours et, surtout, de Back To The Roots et son message sans équivoque. Bien qu’Axel RITT, six-cordiste hors pair, ne soit plus de la partie, Tobias KERSTING, son successeur avait précédemment fait montre de son talent dans STEELHAMMER, le projet parallèle du vocaliste de GRAVE DIGGER. Sur Bone Collector, il est le chansonnier principal, même si Jens BECKER co-signe avec lui The Devil’s Serenade et Killing Is My Pleasure, Chris BOLTENDAHL n’étant intervenu en tant que musicien que sur The Grave Is Yours, dont le remix apparaît sur la version japonaise de Bone Collector. Ce disque est une pure merveille made in Germany. Les onze épistoles sont d’une indiscutable robustesse, d’une verdeur impétueuse, d’une volée tempétueuse. Bone Collector est un bombardement permanent, malgré les phases d’accalmies pertinentes. C’est un cyclone qui nous taloche et qui nous laisse littéralement bouche bée. C’est la rondelle qu’il nous fallait pour démarrer ce nouveau millésime avec un élan d’allégresse, d’exultation et de punch. L’interprétation des troubadours est impeccable. GRAVE DIGGER célèbre ainsi magistralement ses 45 printemps.
Line-up :
• Chris BOLTENDAHL (chant) • Tobias KERSTING (guitares) • Jens BECKER (basse) • Marcus KNIEP (batterie)
Equipe technique :
• Chris BOLTENDAHL (production, enregistrement, mixage, mastering) • Wanderley PERNA (artwork, design pochette) • Jens HOWORKA (photographie)
Studios :
• Enregistré, mixé et masterisé au sein des studios Graveyard (Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne)
Crédits :
• Tobias KERSTING (musique) • Jens BECKER (musique) • Chris BOLTENDAHL (paroles)
Tracklist :
1) Bone Collector 2) The Rich The Poor The Dying 3) Kingdom Of Skulls 4) The Devil’s Serenade 5) Killing Is My Pleasure 6) Mirror Of Hate 7) Riders Of Doom 8) Made Of Madness 9) Graveyard Kings 10) Forever Evil & Buried Alive 11) Whispers Of The Damned
Durée totale : 47 minutes environ.
Discographie non-exhaustive :
• Heavy Metal Breakdown (1984) • Witch Hunter (1985) • War Games (1986) • Stronger Than Ever (1986) (sous le patronyme Digger) • The Reaper (1993) • Heart Of Darkness (1995) • Tunes Of War (1996) • Knights Of The Cross (1998) • Excalibur (1999) • The Grave Digger (2001) • Rheingold (2003) • The Last Supper (2005) • Liberty Or Death (2007) • Ballads Of A Hangman (2009) • The Clans Will Rise Again (2010) • Clash Of The Gods (2012) • Return Of The Reaper (2014) • Healed By Metal (2017) • The Living Dead (2018) • Fields Of Blood (2020) • Symbol Of Eternity (2022) • Bone Collector (2025)
Date de sortie :
• Vendredi 17 janvier 2025
Vidéos :
Kingdom Of Skulls (Clip Officiel)
Killing Is My Pleasure (Clip Officiel)
The Devil’s Serenade (Clip Officiel)
Bone Collector (Clip Officiel)
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