Reportage :
CCQUEEN, un univers global (Rencontre avec SONAKID)
(
CCQUEEN
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Date de publication : 05/11/2024
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Auteur : Pumpkin-T
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Je venais de visionner le clip Electric Kisses (Voir ici !) de CCQUEEN et m’en étais pris plein les yeux et plein les oreilles. Cette expérience a fait naître en moi l’irrésistible envie de lever le voile sur l’esthétique si particulière et mystérieuse du groupe. Voilà ce qui m’a poussé à réaliser cette interview de Sonakid, claviériste, guitariste, chanteur du groupe.
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— Pumpkin-T : Salut Sonakid ! Peux-tu éclaircir un premier mystère et nous dire d’où vient ce nom bizarre de CCQUEEN ? Prononcé à l’anglaise, je m’étais demandé si ce n’était pas en référence à Sissi « Impératrice » que vous nous sortiez une Sissi « Queen »… une sorte de mix entre Romy SCHNEIDER et Freddy MERCURY, quoi.
— Sonakid : C’est marrant car au tout début du groupe, je voulais me construire un personnage mashup, genre Courtney CASH ou Johnny LOVE - un mélange de Johnny CASH et de Courtney LOVE.
— Pumpkin-T : Un peu comme Marilyn MANSON, quoi.
— Sonakid : Ouais, sauf que j’ai vite abandonné l’idée. Quant à CCQUEEN, à chacun d’imaginer sa propre histoire. Bien sûr, certaines pistes nous ont amenés à inventer ce nom mais, fondamentalement, c’est un nom ouvert à tous les fantasmes – notre côté multifacettes ou tentaculaire à entrées multiples.
— Pumpkin-T : Est-ce que CCQUEEN est une démocratie ?
— Sonakid : En tant que leader tyrannique, je suis le moins bien placé pour répondre à cette question. Ha-ha-ha ! Mais oui, sur le vaisseau CCQUEEN chacun a son rôle comme dans la vraie vie en fait. Nous sommes avant tout des amis et on se soutient les uns, les autres. Je suis plutôt le premier souffle des projets et responsable de la Direction Artistique globale. J’arrive souvent avec des textes, des bricolages de compos lunaires que les autres déconstruisent pour s’en imprégner et transformer en énergie de groupe. On fait souvent trois ou quatre versions différentes du même morceau, avant d’arriver à un choix final… plus ou moins démocratique. Skinny Bob, le guitariste, est responsable technique-geek, il arrange les compos pour les rendre audibles et s’occupe des enregistrements et mixages. M-Ti, le bassiste, précise les gammes, réclame toujours plus de fuzz et intervient sur le soutien général des morceaux. Il gère aussi les réseaux sociaux. Puce, le batteur, fait… ses trucs de batteur et mange des pizzas. Ha-ha ! En vrai, il ne parle pas souvent mais quand il parle il a toujours LA bonne idée. Daygor, le graphiste, met notre univers en image. Il a son style et son savoir-faire unique multi-média. Je suis chez lui très régulièrement pour échanger et on a notre petit monde à nous.
— Pumpkin-T : J’allais y venir. La plupart des groupes consacrent leur énergie à travailler leur musique, or il me semble que CCQUEEN investit un champ littéralement multimédia. Tu valides ?
— Sonakid : Mais carrément ! Nous voilà arrivés à la partie complexe du machin. CCQUEEN est un « univers global». Si l’on me demande quel est notre style musical, je réponds qu’on joue du rock progressif psychédélique associé à des images. Pour communiquer des émotions, pourquoi se contenter de la musique et des paroles ? J’adore leur complémentarité avec le visuel. Par exemple, pour Electric Kisses si t’écoutes juste le morceau, tu vas te faire un avis sur ce qu’il raconte. Mais si tu regardes le clip, alors ta compréhension change, surtout si tu pousses la curiosité jusqu’à te poser des questions. CCQUEEN est un jeu de piste. Il y a un style musical et une identité graphique, une colorimétrie également, mais il y a aussi des symboles disséminés qui reviennent au fur et à mesure des chansons. C’est un truc qu’utilisaient les surréalistes comme Salvador DALÍ ou Joan MIRÓ pour ouvrir sur un signifiant plus profond. Avec Daygor, on a beaucoup travaillé sur la symbolique. On a par exemple représenté les membres du groupe au travers de symboles reliés à leurs personnalités. Nos textes aussi ont plusieurs niveaux de lecture. Rien n’est « blanc ou noir » dans la vie, tout dépend du point de vue d’où l’on appréhende l’histoire. Et pour ceux qui veulent creuser, tout est mis à disposition sur notre site web : chansons, paroles, dessins, réalité augmentée, même réalité virtuelle avec les casques VR lors des expositions CCQUEEN. Tiens, tu sais que notre album est magique ? Il prend vie grâce à ton smartphone ! C’est peut-être un peu con comme démarche, on vendrait d’avantage en étant plus « évidents », c’est sûr… mais bon, on récompense les curieux surtout.
— Pumpkin-T : En tout cas, ça explique pourquoi, quand j’écrivais la chronique de Scavenger (Lire ici.) tu avais insisté pour que je cite Daygor comme 5ème membre du groupe. À propos, dans cet univers graphique il y a un tas de trucs zarbis. Je ne prends que deux exemples : le calmar-Cthulhu fuchsia de la pochette de Scavenger, et les plumes de paon du clip de Common Sense (Voir ici !).
— Sonakid : Pour ton « calmar », c’est un cœur de voyage cosmique qui passe de porte en porte. Mais si tu veux y voir un Cthulhu, je t’en prie. Ha-ha-ha ! L’important pour CCQUEEN, c’est que le cœur se trouve au centre de chaque individu, qu’on voyage dans la vie et l’univers avec ce cœur plein d’Expériences, et qu’on passe parfois des portes vers de nouvelles dimensions, de nouvelles compréhensions… qu’on mûrit, en somme. Quant aux plumes de paon, à la base c’est le symbole de Puce car il joue d’un instrument lourd qui met dans un état de transe : la batterie. Sauf que lui a un jeu tout en douceur et légèreté. Et comme il est aussi fasciné par les indiens d’Amérique et leurs coiffes, le paon est arrivé. Je fais un peu de street-art à mes heures perdues, j’ai renommé le paon « Psychedelic Tribal King ». Pour l’anecdote, on a fait une expo dans une bibli et la responsable nous a rapporté que des personnes s’étaient plaintes de la présence de plumes de paon car elles sont censées porter malheur - ce sont les yeux du diable. Dans Common Sense, le gars en achète une en ligne à un narval qui va la chercher auprès d’un chaman en volant au sommet d’une montagne. Le narval la livre grâce à des sapiozoïdes qui portent le colis au-dessus des toits. Finalement le gars décide de la manger et là, il ouvre enfin les yeux et son cœur s’envole… Bon, dit comme ça, je ne suis pas sûr que ça ait du sens… Allez voir le clip, les gens ! Ça a été un gros challenge et on est contents, surtout qu’on a obtenu plusieurs prix dans des festivals internationaux de courts-métrages à Berlin, à La Jolla en Californie, à Dublin… et ça fait du bien au moral.
— Pumpkin-T : Dans ma chronique de Scavenger je souligne que le titre True aurait pu faire partie de The Wall des PINK FLOYD et aujourd’hui tu me fais écouter votre reprise d’Another Brick In The Wall. Au-delà du fait que j’ai eu le nez creux, quelles sont vos influences ?
— Sonakid : J’avoue, t’as été bon ! Tiens, puisque tu parles de True. Typiquement il existe peut-être dix versions très différentes de ce morceau. On s’est arrêté sur cette version mais j’en ai toujours eu d’autres en tête que j’ai pas réussi à exprimer… Du coup j’ai laissé faire la démocratie. Certaines personnes aiment ce morceau et je suis content mais c’est pas mon préféré au final.
— Pumpkin-T : Et donc ? Vos influences ?
— Sonakid : Ah oui. PINK FLOYD ! J’ai assisté à un concert de PINK FLOYD qui m’a marqué à vie ! Dommage que j’étais dans le ventre de ma mère enceinte de 6 mois, sinon j’aurais pu te le raconter. Ça a dû passer au travers du liquide amniotique. On cite souvent Nick CAVE pour la portée des paroles. Le nouvel EP va plus chercher du côté de TOOL, DEFTONES, PORCUPINE TREE, LED ZEPPELIN… Sinon, on parle aussi de RADIOHEAD, BOWIE, MARILYN MANSON pour la façon dont ça peut sonner parfois ou la folie qui peut en ressortir. M-Ti ne jure que par ALL THEM WITCHES ou INTERPOL. Puce est plus punk. À la base Skinny Bob est très FOO FIGHTER avec des accords majeurs. Là, pour le coup, je suis tyrannique : j’ai banni les accords majeurs ! Ha-ha-ha ! Nooon, j’rigole ! En vrai, c’est pire, j’y connais rien en musique et ils se foutent tout le temps de moi pour ça. La seule chose qui m’importe c’est l’émotion que ça procure en écoutant ou en jouant. Si j’ai envie de crier ou de pleurer alors on est sur la bonne gamme d’accords.
— Pumpkin-T : Depuis le dernier album long, vous avez sorti des singles et bientôt un EP. Quelles sont les projets de publications à venir ?
— Sonakid : On vient de sortir deux singles : Electric Kisses et son clip, mais aussi la reprise d’Another Brick in the Wall de PINK FLOYD à notre sauce, qui nous tenait à cœur et pour lequel on a jugé avoir une proposition intéressante. Notre version est à la fois très différente de l’originale et en même temps on retrouve les éléments du morceau d’origine. C’est différent de notre reprise de Basket Case de GREEN DAY sur Scavenger où, à part les paroles, tout était changé. Notre EP, qui va s'appeler The Helen EP, va sortir le 1er décembre. Il est composé de 4 titres : Electric Kisses qui est le plus court qu’on ait jamais fait (2min 50) deux titres à presque 7 minutes (Another Brick in the Wall et Preach). Et le dernier, Helen à 4min30 où on a invité Jennie BURKE qui faisait autrefois partie du duo KLINK CLOCK. Elle a posé des voix incroyables, c’était un régal de bosser avec elle. Mais on aimerait surtout enfin tourner parce que c’est pas trop la fête du slip de ce côté-là. On cherche un tourneur, si tu peux faire passer le message… Pour te donner un exemple de nos capacités quand on déploie la voile : on va faire un concert à Pessac, à côté de Bordeaux. On installe notre exposition qui va rester un mois dans le bar et le hall d’accueil et on jouera pour le vernissage. Une soirée spéciale CCQUEEN qui sera aussi notre release de l’EP.
— Pumpkin-T : Ça fait deux fois que tu me parles d'exposition. T'entends quoi par « expo » ?
— Sonakid : Une expo CCQUEEN c’est complexe évidemment. On reste dans l’idée des facettes, des tentacules et des multiples réalités. Pour résumer, chaque morceau a donné naissance à une image, un tableau physique qui est visible en réalité augmentée grâce aux smartphones, c’est hyper ludique et addictif. On propose également un stand de VR où on a virtualisé une expo avec des tableaux gigantesques et des objets à manipuler virtuellement. Et puis on est en train de bosser sur un mapping en projection vidéo autour des tableaux pour que l’image sorte du cadre et soit mobile.
— Pumpkin-T : Faut jouer au Futuroscope, mec !
— Sonakid : Ha-ha ! Oui, on a beaucoup de choses à exprimer mais parfois on a la sensation que même dans le monde de la musique qui est censé être rattaché au monde de l’Art, dès qu’on propose un truc un peu plus large, les programmateurs ne comprennent pas ou n’ont pas le temps de comprendre… Bref, on veut jouer !
— Pumpkin-T : Albums, CD, streaming, singles, concerts… Quel regard portes-tu sur l’économie actuelle de la musique ?
— Sonakid : C’est la merde… mais pas que dans la musique. Dans la musique les CD ne se vendent plus, les vinyles sont trop chers à produire, on pleurniche pour arriver à avoir 50 écoutes par mois sur les plateformes, et les salles ne prennent plus de risque car les subventions sont au plus bas… Avec Daygor, j’ai cherché à faire éditer une BD sur laquelle on a bossé pendant un an. On a été rencontrer des éditeurs à Angoulême et la réponse était toujours la même : il y a trop de propositions, trop de monde sur le marché. Du coup, ils réduisent les nouveaux venus pour limiter la précarité des auteurs établis. Pour la musique, même constat. Et quand on débarque à cinq, avec notre matos qui sort de l’ordinaire, les gars flippent et sont parfois perdus. Alors que justement ce matos a été conçu pour simplifier le travail des techniciens. J’ai l’impression que les salles privilégient les duos ou les formations légères… Bref, CCQUEEN est trop gros pour les petits et trop petit pour les gros.
— Pumpkin-T : Ça ressemble à quoi un show de CCQUEEN ? J’ai entendu parler d’un concert dans une brasserie…
— Sonakid : Exactement. On se produit souvent « hors les murs ». Comme on galère à trouver des structures qui nous correspondent, on crée les conditions dans des lieux a priori pas adaptés pour accueillir du spectacle vivant amplifié. On a appris à aimer et à tirer profit des difficultés. Nos meilleurs souvenirs de concerts sont souvent dans des conditions plus que limites mais surtout, là où les gens qui nous accueillent sont motivés. Bien sûr, on doit échanger notre prestation contre quelques billets pour viabiliser le projet, mais on a surtout besoin d’échanger avec les organisateurs et le public. On aime le public, on aime les provoquer, les porter. On aime sortir des concerts avec des gens contents et émus par ce qu’ils ont vécu. J’ai pas l’impression que tous les artistes aient les mêmes attentes lors des concerts. L’attente de CCQUEEN, c’est l’émotion, le sentiment d’avoir vécu une expérience unique, dans un espace-temps unique, avec un public unique. Fallait être présent ce jour-là et puis c’est tout. Tu vois le truc? Quand j’écoute un live de Jeff BUCKLEY, je suis à la recherche de cette petite note, ce souffle ou ce petit truc qui n’a existé qu’à ce moment-là et en fait une expérience unique et inoubliable. Il fallait être là… Hélas, vu qu’il est mort, y’a cette haine sourde de ne jamais le croiser. Quand un groupe que je vais voir en concert, me cueille avec une émotion crédible et unique, là je vibre et je me dis que p**ain ça fait du bien ! Tiens, une anecdote véridique qui est arrivée plusieurs fois : après un concert, une femme vient nous voir au stand de merch et nous file un billet de 20. On lui demande ce qu’elle veut acheter. « Rien ». Elle nous explique qu’elle veut nous remercier pour la soirée et estime que l’entrée à 8 € n’était pas assez chère. Trop de fois elle a été à des concerts dans des grandes salles, voir de gros artistes, en payant cher et en sortant déçue. Alors que là, avec l’émotion, la proximité, elle avait été touchée et avait pleuré. Qu’est-ce que tu veux dire d’autre après ça ? On demande juste à vivre les Expériences du cœur qui passe des portes.
— Pumpkin-T : Merci pour le temps que tu m'as consacré. Je crois qu'on a réussi à lever un bout du voile sur CCQUEEN, sans vraiment tout spoiler. J'ai bien l'intention de chroniquer The Helen EP donc on ne se dit pas au revoir, mais plutôt à bientôt !
Eh ! Ne partez pas, les gens ! Moi aussi je vous ai concocté une petite expo ci dessous.
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Sonakid (Photo : Bruno Conjeaud)
Sonakid (Photo : Bruno Conjeaud)
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Skinny Bob (Photo : Bruno Conjeaud)
Skinny Bob (Photo : Bruno Conjeaud)
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Puce (Photo : Bruno Conjeaud)
Puce (Photo : Bruno Conjeaud)
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M-Ti (Photo : Bruno Conjeaud)
M-Ti (Photo : Bruno Conjeaud)
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Daygor (Photo : Loïc Le Goff)
Daygor (Photo : Loïc Le Goff)
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Expo CCQUEEN (Photo : Sonakid)
Expo CCQUEEN (Photo : Sonakid)
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Expo CCQUEEN Animer les tableaux en famille avec son smartphone (Photo : Sonakid)
Expo CCQUEEN Animer les tableaux en famille avec son smartphone (Photo : Sonakid)
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Expo CCQUEEN Le coin VR (Photo : Sonakid)
Expo CCQUEEN Le coin VR (Photo : Sonakid)
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Couverture du single Electric Kisses (CCQUEEN)
Couverture du single Electric Kisses (CCQUEEN)
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Couverture du single Another Brick In The Wall (reprise de PINK FLOYD par CCQUEEN)
Couverture du single Another Brick In The Wall (reprise de PINK FLOYD par CCQUEEN)
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