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Un album d’un tranchant sans pareil...
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« Le guerrier qui cultive son esprit polit ses armes. »
Cette citation de Stanislas DE BOUFFLERS dans son ouvrage Pensées et fragments est d’une justesse incroyable. Le soldat le plus aguerri au combat se révélant toujours celui qui a su se débarrasser de ses mauvaises habitudes et purifier son système émotionnel des réactions impulsives et puériles pour se concentrer uniquement sur l’intellect et la pacification de son moi profond. Dans l’Histoire, nous retrouvons presque exclusivement ces caractéristiques chez les moines shaolin et les samouraïs, qui suivaient un code très strict ne tolérant nullement les réflexes colériques ou l’absence de respect de l’adversaire. Ainsi, les coups bas et attitudes contestataires furent largement bannis au profit de la méditation et de la maîtrise de soi. Ces pratiques d’une absolue sagesse permettaient de vaincre stratégiquement l’ennemi après avoir adopté des tactiques efficaces millénaires.
Nous pouvons également faire le parallèle avec la scène metal qui, après la pandémie, s’est retrouvée quelque peu chamboulée par les changements importants qui se sont opérés au sein de l’industrie musicale où le business a plus que jamais auparavant supplanté l’amour de l’art phonique. Fort heureusement, des combattants tenaces résistent encore et toujours à l’envahisseur cravaté, luttant à coup de guitares acérées et de sections rythmiques massives comme des fous furieux, à l’instar des vikings ou des chevaliers teutoniques, l’escouade PARAGON tombant sous le coup de la seconde catégorie de paladins avec leur nouvelle croisade intitulée Metalation, dont le mixage et le mastering sont l’œuvre de Piet SIELCK, général en chef d’IRON SAVIOR, et judicieusement illustrée par Valgorth, peintre ayant, pour le coup, actualisé un tantinet la mascotte des hambourgeois et, de facto, lui donnant un air plus effrayant que sur la pochette de Revenge, par exemple. Là, le cousin de Conan le Barbare, lui aussi adepte de gonflette, semble tout droit provenir du Tartare et peu sensible au torrent de lave qui s’écoule sous ses panards bien protégés par des godasses en acier trempé. Le personnage et son décorum pouvant également faire référence à Sauron et à l’Orodruin, cracheur de feu du Mordor pour les plus geeks d’entre nous. Néanmoins, pour les puristes de l’heroic fantasy dont je fais partie, et vu sa carrure, il est évident qu’il est plus proche d’un Thorin Oakenshield que d’un Gorthaur le Cruel, autre appellation du Nécromancien, seigneur de Barad-dûr. Bien qu’il tienne une hache et non Orcrist, ce qui pourrait correspondre à Gimli, le rejeton de Gloin, compagnon de bataille de Thorin Ecu-de-chêne.
Outre ce suzerain armé jusqu’aux dents dans un environnement apocalyptique, les outre-rhénans nous offrent un contenu d’une puissance inégalée dans leur déjà longue carrière. Oui, Metalation aurait pu être le météore qui a défoncé la gueule aux sauriens 65 millions d’années plus tôt, tant son potentiel de destruction est énorme. Mais, sans être un vulgaire caillou cataclysmique spatial, cette énième offrande des germains a été ciselée avec précision pour faire du bien là où ça fait mal, un peu comme le diamant de la roulette russe du dentiste sadique du quartier. Dès les premières minutes de ce bulldozer métallique, nous remarquons qu’il n’y a point d’anesthésie préalable pour nous préparer à ce déchiquetage en règle made in Deutschland. L’album dans son intégralité est d’un tranchant sans pareil, nul ne peut lutter lorsqu’il rentre sans attendre dans le vif du sujet. Metalation est un scalpel mécanique version moissonneuse batteuse qui retourne tout sur son passage.
Et c’est avec une certaine imprudence que PARAGON nous appelle durant le prologue de ce monstre de fer à combattre le feu par le feu. Ni une ni deux, nous nous lançons dans ce canonnage d’artifice permanent qui nous éclate constamment à la gueule depuis Fighting The Fire, le single atomique, jusqu’à l’abattoir sanglant Hellgore. Comme à son habitude, le club des cinq nous envoie au tapis avec des riffs gigantesques et des tempi très enlevés. Nos voisins européens demeurent dans la tradition de leur pays, à savoir un heavy metal burné qui transpire la testostérone et qui, grâce à sa grosse pincée de power, porte en lui l’héritage des eighties. Entre accélérations thrashy (MarioNET, Slenderman) et envolées mélodiques (Battalions, Burn The Whore), Andreas et consorts nous offrent des moments de bravoure qui dépassent largement ce que les ménestrels ont pu nous concocter jusque-là en guise d’offrandes sacrificielles.
Preuves irréfutables, sur Slenderman ou The Haunted House, Andreas se prend littéralement pour Rob HALFORD, crachant de ses entrailles des notes suraigües dont seul le frontman de JUDAS PRIEST avaient dans le ventre jusqu’à présent. D’ailleurs, PARAGON va plus loin en reprenant, tels des clins d’œil narquois, certains passages de Painkiller en les modifiant suffisamment pour que le rapport ne soit pas si flagrant, laissant la surprise aux fans, tout comme littéralement de légers échos, dernièrement utilisés par le combo britannique, Paul DI’ANNO avec ARCHITECTS OF CHAOZ ou Ladislav KŘÍŽEK de KREYSON (Kde Se Touláš), sur l’ultime couplet de la seconde piste. Bref, les allemands se renouvèlent visiblement, ce qui apporte à la musique du quintet une grosse pointe de fraîcheur qui, avouons-le nous, en avait terriblement besoin. Quand bien même Hell Beyond Hell et Controlled Demolition furent des missiles intercontinentaux d’une redoutable efficience, il est clair que Metalation vient en rajouter une strate grâce à ces subtiles mais détectables décorations abiétines qui bouleversent le cours du calendrier de l’Avent.
Indépendamment de ces relatives déviations sur l’autoroute du Gondor qui vont faire plaisir au Papa Gandalf, PARAGON demeure toujours égal à lui-même, c’est-à-dire un combo qui ne fait absolument pas de concession, qui déteste les compromis et qui fonce dans le tas à l’instar de Beorn sur les suppôts d’Azog. Sur Metalation, chaque piste est une déflagration cataclysmique, une claque dans la face qui défonce votre dentier de résidentE d’EHPAD. PARAGON a finement aiguisé ses lames en vue d’une démolition contrôlée. Avec Beyond The Horizon, c’est un vrai rouleau-compresseur qui nous écrabouille avec une basse terriblement présente, des grattes orientalisantes et une batterie imposante. Il s’agit de la première « balade » de l’album, lente et compacte, avec My Asylum et ses accents émotionnels qui donnent la chair de poule. Le reste est un « sprint » permanent, comme en témoigne clairement Metalation qui s’élance sur un riff bluesy avant de tomber dans un hymne à la gloire du metal très réussi, cependant très cliché. Comme vous pouvez aisément le deviner, cette aria, qui nous est dédiée, est plutôt touffue, toute de plomb recouverte et percutante à défaut d’être originale. Ce qui ne l’empêche pas d’être charmante et, de facto, séduisante, sans pour autant user des mêmes subterfuges que Grima, l’eunecte du Rohan.
Thématiquement, la cohorte s’inspire autant des faits de société (les horreurs perpétrées par l’humain lors des conflits sur Fighting The Fire, les dérives de la science et du progrès technologique sur Beyond The Horizon, la sombritude des réseaux sociaux et du web sur MarioNET, la dépression menant à la folie dans The Haunted House, notre servitude face à l’argent sur Burn The Whore, l’incertitude ravivée durant la pandémie avec My Asylum, le commerce qui est réalisé avec nos données personnelles en ligne) que de choses plus fictionnelles (telles que les grandes belligérances littéraires et cinématographiques à la Kalidor ou Beastmaster sur Battalions) voire unificatrices (le tribute à sa masse de supporters dans Metalation), d’où la variété des ambiances sur ce triskaidekième enregistrement studio des allemands.
Metalation ne fait pas dans la subtilité, malgré les fines lames que sont les membres de PARAGON. Ces longs moments de solitude et de confinements ont permis aux musiciens de se pencher sur le sens de la vie, sur ce qui est réellement important, de balayer tout le superflu et de se concentrer uniquement sur l’essentiel. Ce que nous apercevons ostensiblement ici. Un peu comme le Skywalker de la citation en tête de cette chronique avec son sabre laser. Bon OK, je vous le concède, il est peu probable que le fiston de Dark Machintruc, le personnage tout de noir vêtu avec son casque en forme de gland géant, ait pu émorfiler son bibelot rayonnant, le rendant plus aiguillonnant. Tout simplement parce-qu’il se serait connement tranché la paluche. Toutefois, les maîtres Jedi de PARAGON sont à l’opposé de la « manchitude » de Luke le blondinet spatial : ce sont des majors dans le maniement de leurs instruments, à l’instar des précepteurs Qui-Gon et Obiwan. Tout à la fois prudents et confiants, conscients de leur dextérité et de leur inventivité, les mercenaires amphions se sont lancés dans un périlleux challenge tout en conservant leur intégrité ainsi que leur identité. Metalation n’en est que plus renversant. Un diamant brut métamorphosé en joyau de la couronne. A force de tester les recettes au fil du temps, PARAGON a acquis un professionnalisme à toute épreuve et, a fortiori, a su innover pour gagner. L’essai a été prodigieusement transformé par les descendants Lombards lors de la tournée Hellfire aux côtés de MYSTIC PROPHECY et d’IRON SAVIOR le mois dernier. PARAGON a désormais gagné ses lettres de noblesse avec cette superbe libation liturgique pour Noël.
Line-up :
• Andreas BABUSCHKIN (chant) • Martin CHRISTIAN (guitares, chœurs) • Jan BERTRAM (guitares, chœurs) • Jan BÜNNING (basse, chœurs) • Jason WÖBCKE (batterie)
Equipe technique :
• Piet SIELCK (enregistrement, mixage, mastering) • Valgorth (artwork, design pochette)
Tracklist :
1) Fighting The Fire 2) Slenderman 3) Battalions 4) Beyond The Horizon 5) MarioNET 6) The Haunted House 7) Burn The Whore 8) Metalation 9) My Asylum 10) Hellgore (Bonus Track)
Durée totale : 51 minutes environ.
Discographie non-exhaustive :
• World Of Sin (1995) • The Final Command (1998) • Chalice Of Steel (1999) • Steelbound (2001) • Law Of The Blade (2002) • The Dark Legacy (2003) • Revenge (2005) • Forgotten Prophecies (2007) • Screenslaves (2008) • Force Of Destruction (2012) • Hell Beyond Hell (2016) • Controlled Demolition (2019) • Metalation (2024)
Date de sortie :
• Vendredi 8 novembre 2024
Vidéos :
Fighting The Fire (Clip Officiel) Metalation (Clip Officiel)
Battalions (Clip Officiel)
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